LA COMPETENCE DU JUGE JUDICIAIRE EN DEHORS DES TEXTES

 

Dans certaines hypothèses, la jurisprudence a reconnu au delà des textes certains principes bénéficient de compétence judiciaire dans les textes administratifs. On cite le contentieux de l'état des personnes: concerne le statut de droit privé et relève de la juridiction judiciaire. Il arrive qu'un maire refus à quelqu'un.

Plus généralement, la jurisprudence a reconnu au juge judiciaire compétence en ce qui concerne d'une part l'emprise et la voie de fait et d'autre part l'interprétation des actes administratifs et l'appréciation de la légalité.

§1. L'emprise et la voie de fait.

Le principe est que le juge judiciaire est le gardien naturel du droit de la propriété. Les pouvoirs reconnus aux juridiction judiciaires s'accroissent allant de l'emprise à la voie de fait.

A.    L'emprise.

Il y a une prise de possession de la propriété immobilière par l'administration: main mise de l'administration sur un immeuble qui élimine le propriétaire et le prive de l'indemnisation. Il y a emprise en cas de dépossession d'un bien meuble. Elle peut être régulière ou irrégulière.

Elle est régulière s'il y a des pouvoirs attribués par la loi à l'administration (réquisition de logement par exemple). Dans ce cas, sauf si un texte attribue expressément compétence au juge judiciaire pour réparer, le juge judiciaire doit se déclarer incompétent aussi bien pour apprécier l'acte que pour réparer les compétences (TC, 1949, Société Rivoli Sébastopol).

L'emprise peut être irrégulière: c'est à dire qu'il y a une violation des textes. Dès lors il y a deux degrés: elle peut être tellement grave et constitué alors une voie de fait; ou elle sera moindre: méconnaissance ordinaire de la loi, seule la juridiction administrative peut alors constater cette irrégularité: droit commun. La juridiction judiciaire est compétente pour accorder cette indemnité: sursoit à statuer jusqu'à ce que le juge administratif a statué (TC, 1949, Société Hôtel Vieux Beffroi).

B.    La voie de fait.

Mesure que l'administration manifestement insusceptible d'être rattaché à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration (Conseil d’Etat, 1949, Carlier). En l'espèce, elle a voulu visiter une Cathédrale de Chartres et prendre des photos: un surveillant a détruit les clichés: voie de fait.

Bien au delà d'une illégalité ordinaire, il y a voie de fait lorsque "l'action administrative est dénaturée". C'est pourquoi l'administration perd son privilège de juridiction et le contentieux relève logiquement du juge judiciaire.

@. Il y a deux conditions cumulatives pour qu'il y ait une voie de fait.

Une violation grave de la légalité: bien plus qu'une simple illégalité, quels que soient ses caractères, celle-ci est commise par l'administration dans l'exercice de ses fonctions. Mais il y a voie de fait lorsque l'administration agir en dehors de toute légalité: son action n'a aucun lien avec le pouvoir dont elle peut disposer. On trouve dès lors deux hypothèses:

La seconde condition est l'atteinte soit au droit de la propriété ou soit à la liberté fondamentale. Cette exigence vient réduire le champ d'application de la voie de fait, mais l'étend par rapport à la notion: si l'administration procède à l'exécution forcée d'une décision qui ne porte atteinte ni à une liberté fondamentale, ni au droit de la propriété, il n'y a pas de voie de fait, le juge judiciaire n'est pas compétent.

En revanche, l'atteinte permet à l'autorité judiciaire lorsque les mesures ne peuvent être rattachées aux pouvoirs de l'administration, d'intervenir dans les matières où elle n'est pas compétente à d'autres titres. Les libertés fondamentales ne se limitent pas à la liberté individuelle, or elle est seule couverte par certain texte: article 136 du code de procédure pénale ou 66 de la constitution. La voie de fait s'applique à propos de la liberté de la presse, l'atteinte à la liberté d'association...

On remarque également que les textes relatifs à la liberté individuelle ne s'appliquent pas au droit de la propriété. L'emprise ne concerne que la propriété immobilière, la voie de fait couvre aussi bien la propriété mobilière que la propriété immobilière. Si l'emprise est particulièrement grave, elle se transforme en voie de fait.

@. Les conséquences de la voie de fait.

La voie de fait qui dénature l'activité de l'administration fait perdre à celle ci le bénéfice de la séparation dans l'autorité administrative et judiciaire: donne plénitude de juridiction au juge judiciaire qui peut contester l'existence de la voie de fait et réparer ses conséquences dommageables et la faire cesser ou la prévenir.

Il y a une exception au principe: les juge judiciaires peuvent pleinement contester et censurer la voie de fait. Le TC décide qu'il y a compétence concurrente des ordres pour constater l’existence d'une voie de fait. Le juge judiciaire reste alors le seul compétent pour les réparations c'est à dire qu'il peut condamné l'administration à verser des dommages et intérêts et cette réparation est régie par les règles du code civil. Le juge judiciaire peut ordonner à l'administration toute mesure utile pour empêcher la voie de fait ou la faire cesser: condamner l'administration sous astreinte (TC, 1948, Manufacture des Velours et Peluches). Enfin, le juge peut être saisit par le particulier par référé.

§2. L'appréciation de la légalité et l'interprétation des actes administratifs par le juge judiciaire.

Normalement, le principe de séparation interdit au juge judiciaire de connaître des actes administratifs. Cette interdiction est radicale en ce qui concerne les recours tendant à l'annulation de ces actes mais à l'occasion de litige dont elles sont saisies, le juge judiciaire peut rencontrer des actes administratifs dont l'interprétation commande la solution de ces litiges. Ainsi, à propos de l'exécution d'un contrat l'une des parties excipe un décret qui la dispenserait de certaines applications (décret illégal qui se trouve pas à appliquer). De même, une personne poursuivie pour infraction à un règlement administratif peut soutenir que le règlement administratif est illégal.

Dans certains cas, le juge judiciaire peut apprécier la légalité lorsque la question à régler est une question préalable et sous le contrôle de l'ordre administratif. Dans ce cas, le contrôle s'exerce concurremment avec le contrôle des juridictions administratives. Dans d'autres cas, le juge judiciaire n'a aucun pouvoir d'interprétation ou d'apprécier la légalité de l'acte administratif, car il y a une question préjudicielle sur laquelle il sursoit à statuer en attendant que le juge administratif ne se soit prononcé.

A.    Les principes.

Ils résident dans 3 éléments:

@. La nature du contrôle à effectuer.

On différencie deux types de contrôles.

1.     L'appréciation de la légalité.

L'appréciation de la légalité consiste à examiner si l'acte est conforme au droit, il conduit dans la négative à écarter l'application de l'acte, car il aboutit à remettre en cause la volonté de l'administration.

2.     L'interprétation.

C'est un contrôle moins approfondi: dégager le ses de l'acte: conduit le juge à connaître d'acte de l'administration. Le juge ne trouble pas l'action de l’administration, mais il vient appliquer cet acte.

@. La nature des actes.

Tous les actes n'ont pas la même portée: il y a les actes réglementaires (norme générale et impersonnelle) et les actes individuels (situation adaptée à une personne). Par sa portée, le règlement se rapproche de la loi: même caractère général et impersonnel, mais se différencie par son auteur or les juridictions judiciaires ont le pouvoir d'interpréter la loi. C'est pourquoi, elles doivent aussi avoir compétence pour interpréter les règlements. Pour les actes non réglementaires voire individuels, les mêmes arguments ne sont pas repris.

Les actes individuels ne sont pas comparables à la loi ni par leur portée, ni par leur qualification juridique mais l'administration fait connaître sa volonté de manière plus précise, car elle vise une situation identifiée. Si le juge judiciaire contrôlait les actes administratifs individuels, il troublerait le fonctionnement de l'administration.

@. La nature des juridictions en cause.

On différencie les juridictions répressives des juridictions non répressives. Les premières ont pour but d'infliger des peines contre les auteurs d'infraction. Le juge répressif doit assurer sa mission, ainsi il dispose d'une plénitude de juridiction. De même, il y a l'article R26-15e du code pénal, qui punit ceux qui auront contrevenu aux règlements légalement faits. Enfin, devant le juge répressif, il faut éviter des questions préjudicielles qui ne font que retarder la solution du litige. Les secondes, les juridictions non répressives, ne peuvent se valoir de textes semblables, il y a un litige entre particulier: intérêt privé pour lequel l'urgence ne se pose pas devant les juridictions civiles.

B. Les solutions.

S'agissant des juridictions non répressives, la solution de principe est celle du TC, 1923, Septfonds, les juridictions judiciaires non répressives peuvent interpréter les actes réglementaires, mais ne peuvent ni interpréter les actes non réglementaires, ni apprécier la légalité des actes administratifs quels qu'ils soient, réglementaires ou non. Toutefois, la juridiction judiciaire retrouve un plein pouvoir d'appréciation si les actes administratifs sont constitutifs d'une voie de fait.

Pour les juridictions répressives, la question est réglée par l'article 111-5 du nouveau code pénal. On trouve dès lors les jurisprudences: TC, Avranches et Desmarets, 1958 et Chambre criminelle de la Cour de Cassation Dame Leroux. Le juge répressif peut apprécier la légalité de tous les actes administratifs lorsque de l'examen de l'acte dépend la solution du procès pénal (pas les contrats).

Le texte est muet quant à la portée du contrôle du juge actuellement sur le respect des règles de compétences, de formes, du bloc de légalité, détournement de pouvoir, erreur manifeste d'appréciation. La décision du juge pénal n'a qu’une autorité administrative. L'acte n'est pas annulé, il est écarté des débats: relaxe.

Le problème se pose sur l'autorité de la décision du criminel sur l'administratif?

La décision du juge répressif ne s'impose pas au juge administratif. En revanche, la décision du juge administratif s'impose au juge pénal s'il annule l'acte en cause mais si le juge administratif rejette le recours pour excès de pouvoir, le juge pénal peut déclarer illégal l'acte valider antérieurement par le juge pénal (cf. prix du livre). D'après l'interprétation que l'on peut fournir, le contrôle du juge pénal est un contrôle d'interprétation, la Cour de Cassation avait admis que le contrôle de l'interprétation est un devoir du juge pénal. Mais on trouve deux jurisprudences du 18.01.1993 de la chambre criminelle confirmées depuis qui décide que l'exception d'illégalité d'un acte administratif doit être présenté avant toute défense au fond (contraire à la jurisprudence de 1993 car cette jurisprudence méconnaît la nature du contrôle administratif).