LE LIBERALISME ET L'ESSOR DU DROIT ADMINISTRATIF

 

Le libéralisme exige la protection du citoyen contre le pouvoir. Les libéraux réagissent contre l'arbitraire de Napoléon Bonaparte. Pour les libéraux, l'administration doit être soumise au droit et aux juges. La différence est que l'administration échappe aux juges judiciaires. Peu à peu, le droit administratif va naître. Le système est mis en place dès l'an VIII avec les prémices d'une juridiction administrative. A la chute de l'empire, le Conseil d'Etat est en but de tous les assauts, beaucoup demande la suppression car le Conseil d'Etat est le symbole du despotisme de l'usurpateur.

Le Conseil d'Etat est maintenu en tant qu'organe, mais son influence est entamée de façon considérable. L'ordonnance du 14.06.1814 établissant un conseil des ministres. Les sections deviennent des simples comités entre les ministères. Une ordonnance de 1815 reprend l'ordonnance de 1814 et le Conseil d'Etat perd presque toutes les fondations législatives et administratives, il conserve cependant sa fonction de juge.

A la fin du règne de Charles X, on souhaite la suppression du Conseil d'Etat, certains auteurs souhaitent cependant soustraire à l'emprise du gouvernement, il faut qu'il échappe à l'emprise du pouvoir gouvernemental. Il faut retirer au Conseil d'Etat presque toute attribution y compris les affaires judiciaires. Aussi tous les litiges doivent être remis devant les juridictions judiciaires. Le Ce ne conserverait que le contentieux de la légalité et le recours pour excès de pouvoir. Le Conseil d'Etat va se maintenir et la restauration concerne l'administration mise en place par Bonaparte.

§1. L'affermissement de la démocratie populaire.

La révolution de 1830 met fin à la réaction négative, sur le plan administratif, les résultats positifs de 1789 se consolident.

A.    La mise en oeuvre de la démocratie populaire.

La concrétisation a une influence notable sur l'administration. L'organisation Napoléonienne est conservée et va recevoir une nouvelle figure. Cette administration devient un contre pouvoir face à l'exécution. Les structures administratives se multiplient: de 6 ministères, ils passent à 10 . Elles deviennent trop lourdes pour être dirigées par une seule personne. Il y a dès lors un intermédiaire: les ministres et le chef de service qui dilue. En se multipliant, l'administration perd de sa puissance, par ailleurs, les politiques acquièrent de l'influence sur l'administration.

En revanche, les libéraux souhaitent que l'administration fût soumise au droit commun. Le Conseil d'Etat est un juge qui n'est pas soumis aux règles contenues dans le code civil mais apparaît vite que les règles du code civil ne sauraient s'appliquer aux litiges qui opposent l'administration et les particuliers: règles à fin de créer des litiges.

B.    L'élaboration du droit administratif par le Conseil d'Etat.

Le Conseil d'Etat va affirmer peu à peu l'existence d'un droit administratif autonome qui peut ressembler au droit civil. L'existence d'une juridiction administrative a précédé et rendu possible l'existence d'un droit administratif. Cette juridiction administrative est particulière car elle est étroitement liée à l'exécutif. Les membres du Conseil d'Etat sont nommés et révoqués par le pouvoir exécutif: ce sont des fonctionnaires. Par ailleurs, ces fonctionnaires en général ne font pas tous carrière au Conseil d'Etat, ils participent à l'administration active voire au pouvoir législatif puisque nombre d'entre eux ont une carrière politique.

Le véritable tournant est fait le 24.05.1872. Le Conseil d'Etat reçoit droit de rendre justice au nom du peuple français. A partir de 1800 commence à se créer une science du droit administratif. Le Doyen Auriou a donné une périodisation de l'apparition de cette science. Entre 1800 et 1818, le droit administratif commence à s'élaborer de façon secrète. Le droit administratif est divulgué  de 1818 a 1860 et à partir de 1860, c'est une organisation juridique a part entière. La création du droit administratif se fait sous la Restauration à l'époque libérale favorable à l'épanouissement.

La Charte de 1814 pose les libertés qui sont autant d'entrave aux autorités étiques. Dès lors, il est naturel d'expliquer de quelles manières les services administratifs doivent respecter les exigences constitutionnelles qui figurent dans la Charte. Il faut mettre en place les disciplines engagées dans l'administration.

On peut faire remonter le droit administratif en 1815, création dans les programmes officiels d'université d'une matière de droit administratif. A l'époque, le problème était de savoir d'où il venait, il y avait deux pistes. Il fallu dépouiller tous les textes administratifs, textes nombreux, pour connaître les administrations ou l'oeuvre du Conseil d'Etat. Il y avait 3 fondateurs: Gerondo, Marcarelle et Cormenin. De 1818 à 1846, les ouvrages se multiplièrent, ils étudiaient les textes en vigueur et la jurisprudence du Conseil d'Etat.

Les analyses des arrêts du Conseil d'Etat étaient de plus en plus nombreuses. Dès 1819, on crée dans les revues juridiques des études du droit administratif (Thémis, revue de critique jurisprudentielle...). En 1850, on crée une revue appelé journal du droit administratif, on crée également l'oeuvre de Cyré qui est un recueil publiant les arrêts du Conseil d'Etat (recueil Lebon). Toutes les sources du droit administratif sont dévoilées. Toutefois, le droit est encore balbutiant. La véritable date de la création du droit administratif se situe le 08.02.1873 dans la décision Blanco du tribunal des conflits.

Cette décision est l'apogée du droit administratif. Cette décision ne fonde pas l'autonomie du droit administratif mais la consacre. C'est le premier des grands arrêts du droit administratif qui va foisonner jusqu'à la fin du 19e siècle et début 20e. Une enfant est renversée et blessée par un wagonnet que poussait deux ouvriers d'une manufacture de tabac à Bordeaux exploité en régie par l'Etat. Le père, voulant obtenir réparation du dommage subit par sa fille mineure, veut mettre en jeu la responsabilité de l'état.

A l'époque, la procédure est simple, mais voué à l'échec car on fait un procès à l'état devant le juge de ce dernier: le conseil d'état. Le plaideur avait une quasi certitude de perdre le procès. La jurisprudence appliquait le principe de l'irresponsabilité de l'état du fait des dommages causés par l'activité du service public. On pouvait faire un procès contre l'agent qui a commis l'accident et demander réparation sur son patrimoine, mais le problème surgit alors car l'ouvrier n'était pas capable d'assurer sur son patrimoine les dommages.

Or l'ouvrier travaillait pour l'état. Mr Blanco eut une autre idée, intenter un procès devant la juridiction judiciaire sur le fondement de l'article 1384 contre le préfet du département en estimant que l'ouvrier était un préposé, le préfet quant à lui étant commettant et représentant de l'état propriétaire de l'entreprise. La possibilité fut offerte par l'abrogation d'un décret du 1.09.1970 grâce à l'article 75 de la constitution de l'an VIII qui supprime la nécessité d'une autorisation.

Dans la réalité, ce n'est pas la responsabilité du préfet. Il demanda donc au tribunal civil de décliner sa compétence au nom de la séparation des pouvoirs. Le tribunal refusa et le préfet pris un arrêté de conflit. L'affaire a été portée devant le tribunal des conflits, pour un conflit quant à la compétence. Le tribunal des conflits peut attribuer la connaissance de ce dossier aux juges administratifs. Sous l'influence du commissaire du gouvernement, David, le tribunal des conflits va estimer qu'il n'est pas concevable de traiter à tout propos des fonctionnaires devant la juridiction judiciaire à propos des fonctions devant le service public, c'est la compétence du juge administratif.

En revanche, il serait inéquitable que devant le juge administratif, on continue à opposer aux victimes le principe d'irresponsabilité de l'état du fait du dysfonctionnement du service public alors que cela permettrait d'indemniser ses victimes. La décision Blanco montre que la responsabilité qui peut incomber à l'état pour dommages aux particuliers par les faits des personnes qu'il emploie par le service public ne peut être régit par un article du code civil pour un rapport entre particulier à particulier. La responsabilité n'est ni générale, ni absolue, c'est une règle spéciale qui varie suivant les besoins des services et la nécessité de concilier les droits de l'état avec le droit privé.

Le tribunal des conflits affirme que l'état peut être responsable des dommages faits à un particulier par le fait des personnes employées par le service public. On abandonne l'irresponsabilité de l'état. Le second apport est que l'état et le service public ne peuvent être soumis aux principes établis par le code civil ni les tribunaux judiciaires. Le juge administratif est compétent pour connaître le litige. Le troisième apport est que le tribunal des conflits interdit au juge administratif d'appliquer le droit du code civil. Il n'existe aucun code administratif: la juridiction administrative va devoir poser ses règles. Le tribunal des conflits invite le juge à créer des règles de droits nouvelles nécessaires à transmettre le litige. Le tribunal des conflits dit que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue.

Le droit doit concilier la protection de l'individu et l'efficacité du service étatique. C'est une règle spécifique qui varie selon le besoin du service et la nécessité de concilier les droits de l'état et le droit privé. Cette décision a des conséquences importantes, on abandonne l'ancien principe d'une personne qu'est l'état. Il y a aussi une dualité des droits: l'administration lorsqu'elle est poursuivie par un particulier devant le juge administratif sera jugé selon les règles d'un droit spécifique. Le juge administratif s'oppose au juge judiciaire car il ne rencontre aucune règle de droit écrite. Cela n'est pas exégète, il ne peut poser une règle de droit pour adapter à chaque litige: un droit prétorien.

Le principe d'autonomie du droit administratif n'interdit pas au juge administratif de s'inspirer d'une solution de droit civil, il doit l'adapter aux nécessités de l'action administrative. Quand le conseil d'état s'inspire d'une règle, il reprend le principe qui s'inspire de tels articles. Il n'est pas possible d'appliquer les mêmes règles juridiques à des situations différentes. C'est le postulat de la légalité individuelle. L'administration, gardienne de l'intérêt public, doit pouvoir assurer le respect contre la volonté des parties. L'administration est en position de supériorité par rapport à un individu. Il faut élaborer un droit particulier qui consacre les prérogatives de la puissance publique et délimité pour respecter les libertés individuelles. Les grands fondements du droit administratif sont posés.

Le juge administratif exerce son contrôle sur l'administration alors même que les décisions auraient été inspirées par les mobiles politiques. Dans son arrêt prince Napoléon du 19.02.1875, le Conseil d'Etat ordonne une théorie qui voulait échappe à son contrôle tous les actes à mobiles politiques: les actes de gouvernement. Le Conseil d'Etat ne cessera plus d'étendre son contrôle horizontalement, mais aussi de plus en plus verticalement sur les actes de l'administration de plus en plus complet et précis en inventant de nouveaux cas d'ouverture de recours pour excès de pouvoir, des nouveaux types d'illégalité et en approfondissant son contrôle sur ces cas d'ouvertures. La situation va changer et le droit administratif va connaître une crise grave dans la fin du premier tiers du 20e siècle.