LE PRINCIPE DE DECONCENTRATION ET DE DECENTRALISATION

 

§1. La définition des deux notions.

La déconcentration s'oppose à la concentration, la décentralisation à la centralisation. Dans la pratique, ces deux conceptions se combinent.

A.    La centralisation politique et la déconcentralisation administrative.

La centralisation politique est le système appliqué dans un ensemble placé sous l'autorité d'un même consentement, d'une même législation et d'une même organisation judiciaire, s'oppose-t-il au fédéralisme. Chaque état fédéré possède sa propre constitution et sa propre organisation juridictionnelle. La France est un état unitaire politiquement centralisé. La déconcentration intéresse un autre problème: aussi bien des états fédéraux qu'unitaires. Cela vient du fait que la concentration est impossible si l'état est important. Le chef de gouvernement ne peut pas prendre lui-même toutes les décisions administratives. Il faut aménager le pouvoir administratif.

Il y a deux techniques: le chef de l'état est autorisé à déléguer à ses subordonnés un certain pouvoir de décision pour les matières les moins importantes. Il peut aussi faire attribuer certaines compétences aux subordonnés par un texte législatif supérieur: c'est la technique de la déconcentration. Ce système est différent à chaque fois qu'on change de chef d'état, il va falloir reprendre des actes de délégations. Dans la seconde hypothèse, il s'agit de déléguer des compétences d'une autorité à l'autre. Peu importe de savoir qui est le premier ministre ou le préfet.

B.    La décentralisation politique et la décentralisation administrative.

La décentralisation repose sur la reconnaissance par le pouvoir central d'intérêts distincts de ceux du gouvernement de l'état. Certaines entités reçoivent le pouvoir de gérer des propres affaires. Elles reçoivent en conséquence, la personne juridique, c'est à dire la possibilité de faire des actes juridiques, et les moyens nécessaires à la gestion. Les collectivités décentralisées n'ont aucun pouvoir de s'organiser elle-même. C'est le constituant et le législateur qui créent des collectivités locales, les suppriment, les organisent et leur attribuent en pouvant leur reprendre des compétences. Cependant, dans un système de décentralisation politique, on se rapproche du fédéralisme car elle peuvent avoir leur gouvernement, leur législation, leur juridiction. La décentralisation administrative ne peut jamais concerner la décentralisation judiciaire qui reste unique dans l'état.

La décentralisation administrative peut être plus ou moins poussée selon que les compétences peuvent être plus ou moins grandes ou que leur liberté d'action peut être plus ou moins défendue. Il existe toujours un contrôle du pouvoir central sur la collectivité décentralisée. Au minimum, les actes doivent être susceptibles d'un contrôle par un juge sinon l'unité politique de l'état disparaîtrait. L'institution décentralisée reçoit toujours la personne juridique. Il existe toujours une personne morale distincte de celle de l'état qui concrétise l'existence d'affaires séparées de celle de l'état. Les autorités doivent être les plus indépendantes possibles, ce qui implique le plus souvent leur désignation par le procédé de l'élection par un membre de la communauté considérée. L'exécutif local doit être indépendant du pouvoir central, mais il est issu de l'élection. Il faut empêcher le pouvoir central de désinvestir les autorités locales.

Pour décentraliser, il faut des moyens financiers qui doivent être suffisants pour pouvoir accomplir la mission. Les ressources doivent être propres. Si l'autonomie n'est pas réelle, l'état peut mettre telle somme pour l'entretien des routes par exemple. Les inconvénients: la décentralisation mérite certain nombre de critiques. Les administrateurs élus ne sont pas des techniciens or en France, il y a la nécessité d'une certaine technicité. On peut atténuer en entourant les administrateurs élus de techniciens de consommation. Les administrateurs ne sont pas toujours impartiaux. Les assemblées démocratiques gaspillent leurs deniers publics pour une campagne par exemple. La constitution prévoit que les collectivités locales sont soumises au contrôle administratif de l'état. Ils sont désignés sous le nom de tutelle administrative selon l'article 72-3.

§2. La décentralisation et la tutelle.

Quelle que soit la forme de la décentralisation administrative, elle se caractérise par l'existence d'un pouvoir de contrôle des autorités supérieures sur le pouvoir décentralisé. On parle de contrôle administratif qui est en fait juridictionnel. Le juge administratif exerce l'essentiel du contrôle de légalité. Le pouvoir de tutelle indique qu'il n'y a pas de tutelle sans texte, il ne peut se présumer. Il n'existe que si une loi le prévoit expressément. Le pouvoir de tutelle s'exerce sous le contrôle législatif, il peut annuler une mesure de tutelle illégale. La collectivité contrôlée forme un recours pour mesure de tutelle. L'usage fautif engage la responsabilité du titulaire soit envers l'organe de tutelle, soit envers les tiers (Conseil d'Etat, 29.03.46 Caisse départementale d'association de Meurthe et Moselle, Staviski).

Les règles générales s'appliquent aux établissements publics, aux ordres professionnels, et à un certain nombre d'institutions professionnelles en privé. En théorie, le pouvoir de tutelle comprend les éléments suivants. Il y a d'abord le pouvoir d'annulation. L'organe de tutelle peut faire supprimer rétroactivement les décisions de l'organe sous tutelle. En cas d'urgence, elle peut suspendre. En tout état de cause, elle peut saisir le juge en lui demandant d'annuler l'acte illégal de l'autorité sous tutelle. Le pouvoir d'approbation signifie que la décision prise par l'autorité sous tutelle ne peut entrer en vigueur qu'une fois approuvé. Il agit à la date où la décision a été prise. Elle entre en vigueur si elle a été explicitement autorisé, ou si implicitement aucune mesure contraire est manifestée au terme d'un certain délai par l'autorité de tutelle.

Le pouvoir d'autorisation signifie que les mesures envisagées ne peuvent être décidées qu'après avoir obtenu l'accord de l'autorité de tutelle. Le pouvoir de substitution d'action, dans cette hypothèse l'autorité de tutelle constate que l'autorité sous tutelle s'est abstenu d'agir de prendre une décision obligatoire, de par les textes, elle met les autorités en demeure d'agir. Si la demande reste sans effet, l'autorité de tutelle prendra l'acte à sa place. La décision est réputée prise par l'organe sous tutelle. La responsabilité sera supportée par les collectivités sous tutelle. Cette forme existe sur les établissements publics nationaux.

Depuis la loi du 02.03.1982, il subsiste une tutelle classique sur les personnes et organes locaux, mais aussi sur l'autorité locale, agissant au nom de l'état. Soumis au contrôle du préfet, sur un acte d'autorité locale, s'exerce un contrôle juridictionnel. Le préfet ne peut plus annuler un acte d'une autorité locale, il doit saisir un acte d'une autorité législative contre deux sortes de tutelles: les personnes et les actes!

A.    La tutelle sous personnes ou organes élus.

C'est le pouvoir disciplinaire, l'autorité de tutelle a reçu le pouvoir de suspendre ou de révoquer certains élus ou sanctionner les fautes commises par les élus locaux. Cette surveillance vise à remédier à des mésententes qui peuvent apparaître au sein d'un organe collégial. Toutes ces décisions doivent être motivées parce que le recours devant le juge.

Les maires et adjoints peuvent faire objet d'une suspension. La mesure est prise par le ministre de l'intérieur. Le maximum est d'un mois. Il peut être révoqué par un décret pris en conseil des ministres. Les conseillers municipaux, généraux ou régionaux, quant à eux, peuvent être démis de leur mandat lorsqu'ils se trouvent pour une cause survenue après leurs élections dans une situation d'illégalité ou d'incompatibilité, et ceci par arrêtés préfectoraux pour les municipaux ou régionaux et pour les conseillers généraux par le conseil général qui prononce la démission d'office. Un conseiller municipal ou général peut être démis de son mandat par le tribunal administratif s'il a refusé de remplir une fonction qui lui est dévolue par la loi.

Les conseils peuvent être dissous en cas d'urgence. Pour les conseils municipaux, il peut y avoir suspension par arrêté municipal (maximum 1 mois). La dissolution est prononcée par un décret en conseil des ministres. C'est la même chose pour les conseils généraux ou régionaux, mais en plus le parlement doit être informé de la dissolution qui pour un motif d'intérêt général montre l'importance d'exercer ses fonctions.

En cas de dissolution, il faut remplacer le conseil: le conseil municipal. Les élections se font tous les deux mois: le préfet désigne par arrêté une délégation spécifique en attendant. Pour les conseils généraux et régionaux, le président du conseil assure l'expédition des affaires courantes, mais les décisions ne sont plus exécutoires qu'avec l'accord du préfet.

B.    Le contrôle sur les actes.

La loi du 02.03.1982 est complétée, modifiée par la loi du 22.07.1982. Le législateur a organisé sur le même modèle le contrôle des actes des communes et régions. Le CC dans sa décision du 25.02.1982 a estimé conforme la substitution au contrôle du préfet d'un contrôle exercé par le juge administratif sous réserve que le préfet soit à même dans toute hypothèse de saisir un juge pour mettre en oeuvre ce contrôle.

Les actes des collectivités locales sont divisés en deux catégories. Il y a les actes soumis à des obligations de transmission au préfet et les actes qui ne sont pas soumis à obligation de transmissions au préfet. La loi énumère les listes. Elles doivent être adoptées, transmises au préfet, ou à la sous préfecture. Ces actes deviennent exécutoires de plein droit dès qu'ils ont été d'une part transmis au préfet et dès qu'ils ont été modifiés, publiés.

Sont transmises obligatoirement, toutes les décisions intervenant aux titres de pouvoir de police. Tous les actes retransmis de même que les contrats et les conventions les plus importantes. Une fois l'acte reçu en préfecture, le préfet va retourner à la collectivité locale une copie de l'acte qu'il aura visé et sur lequel figure la date de réception de la préfecture. Le préfet dispose d'un délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif d'un acte qu'il estimerait illégal. Le tribunal administratif annulera dès lors l'acte. La collectivité locale est avisée du déféré du préfet et à tout intérêt à attendre le jugement du tribunal avant d'exécuter l'acte.

Si le tribunal administratif annule pour inégalité, l'acte est donc susceptible d'un déféré que le préfet exerce spontanément, mais il peut aussi exercer le déféré sur demande d'un administré. La loi du 02.03.1982 peut dire que toute personne lésée peut aller devant le tribunal administratif. Le particulier peut faire contre l'acte un recours en excès de pouvoir, c'est le système le plus sûr dans la mesure où le recours a bien été introduit. Le préfet n'a pas l'obligation de déferrer, il n'a aucune assurance de la saisine du juge. Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 24.01.1991 Brasseur, estime, après hésitations, que la demande d'un particulier faite au préfet de déferrer un acte de déférer un acte de collectivité locale, prorogeait le délai de recours contentieux.

Le préfet peut également assortir son déféré d'une demande de sursis à exécution qui ordonne aux collectivités locales de ne pas appliquer l'acte tant que le jugement n'est pas intervenu. Le sursis obéit à des conditions moins strictes que le sursis de droit commun qui peut demander tout administré. Il peut appuyer sa demande sur un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation de l'acte. Le particulier doit apporter la preuve du moyen sérieux et prouver que l'exécution de l'acte entraînerait un préjudice irréparable. La loi du 02.03.1982 ouvre au préfet un sursis particulier. Le sursis est accéléré car le président du tribunal doit se prononcer dans les 48 heures mais dans le cas où l'acte porte atteinte aux libertés publiques et individuelles. L'intérêt serait de demander un sursis. Pour les autres actes, la tutelle subsiste.

Pour les survivances de pouvoir de tutelle, il y a d'abord sur le budget des collectivités locales. Le principe est que les actes budgétaires relèvent de la même forme de contrôle des autres actes des collectivités locales. Le préfet conserve les prérogatives de substitution, il agit en liaison avec un organisme par la loi du 02.03.1982: la chambre des comptes. Le préfet peut arrêter le budget de collectivités locales. Si la collectivité ne l'a pas adopté en temps utile, si le budget n'est pas voté en équilibre réel, ou si le budget est exécuté en déficit (déficit supérieur réalité).

Le préfet peut saisir la chambre des comptes, autorité financière qui donne un avis sous forme propre. Le préfet arrête le budget par un arrêté motivé dans l'hypothèse où le préfet s'écarterait de la proposition de la chambre régionale des comptes. C'est l'hypothèse d'une dépense obligatoire non inscrite au budget par l'assemblée délibérante. Le préfet saisit la chambre régionale des comptes qui met en demeure la collectivité locale d'inscrire si elle est obligatoire. Si elle reste infructueuse, le préfet inscrit d'office. S'il s'écarte de la proposition de la chambre régionale des comptes, il doit modifier son arrêté.

Il y a un second domaine: la tutelle de police. Seule la commune et le département sont intéressés par ces dispositions car la région ne possède pas de bien. La loi du 02.03.1982 a maintenu le pouvoir de substitution reconnu au préfet à l'égard du maire. Il doit prendre la mesure de police nécessaire. Si le maire refuse, le préfet va se substituer à lui, il va prendre à sa place les mesures nécessaires. Le président du conseil général exerce la police sur le domaine public du département qu'il doit gérer ce que l'individu qu'ils prennent des mesures de police sur ce domaine. Le préfet le met en demeure d'agir. Si le président du Conseil Général ne le fait pas, il prend la mesure à sa place.