MATRA RENAULT

Une alliance complémentaire pour un produit commun: l'Espace

Le groupe Matra a choisi une organisation divisionnelle. Ce choix stratégique est avantageux pour lui à un double point de vue. En effet, il est idéal pour un groupe dont la diversification est la composante concurrentielle essentielle et permet d'autre part l'adjonction de secteurs à forte complexité et forte incertitude sans risquer de compromettre l'intégralité des activités du groupe en cas d'échec.La division Matra-Renault a ainsi été créée en 1964 par l'acquisition des Automobiles René Bonnet et prend la forme d'une société à responsabilité limitée. Cette division a été créée dans le but de promouvoir la technologie de Matra et ainsi se faire connaître du grand public. Jean-Louis Lagardère décide de concentrer ses efforts sur la compétition automobile, ce qui doit favoriser l'entrée sur le marché d'un coupé sportif. Ce programme de compétition s'achèvera en 1974 après avoir conféré à Matra Automobiles une image de valeur sûre dans ce domaine. Mais Matra Automobiles seul, ne peut mener à bien son aventure sur le secteur de l'automobile. Même si ces projets sont efficaces, les structures de production de Matra Automobiles ne lui permettent pas l'entrée sur un marché si hermétique qu'est celui de l'automobile. Une nécessité d'alliance se fait ressentir des la fin des années 60.

La première firme à tenter l'expérience fut Chrysler France, mais cette coopération n'atteignit pas les résultats escomptés par les deux partenaires. Le rachat de Chrysler France par Peugeot fit connaître à la Rancho un véritable succès mais Peugeot n'a pas eût une confiance suffisante en Matra et a sciemment réduit leur ambition. Peugeot se détacha progressivement de Matra Automobile après avoir refuser le projet de voiture monocorps qu'était l'Espace. En effet, Matra, par son directeur technique (actuel P.D.G. de Matra-Automobiles) Philippe Guedon avait décider de se recentrer sur un créneau différent qu'est celui des voitures de sport. Philippe Guedon et Jean Louis Lagardère décide alors de faire jouer leur relation personnelle pour tenter d'approcher le " géant " Renault. Cette firme, première de sa catégorie, émet cependant quelques réticences à l'égard du projet monocorps. Mais la persévérance des dirigeants finira par l'emporter. L'alliance Matra-Renault débute réellement en 1982. Ce rapprochement avait reçu l'appui du gouvernement Mauroy car il satisfaisait les syndicats et évitait des licenciements dans une région sensible.

Dès lors, on peut se demander si une stratégie d'alliance était vraiment préférable à un développement autonome ?
En effet, pourquoi avoir choisit Renault ? quelle type d'alliance fallait-il choisir? Est-ce que les deux partenaires tireront le même profit de l'alliance? Comment protéger sa technologie et son savoir faire tout en permettant une coopération loyale?
Au travers de ces différentes problématiques, quatre points retiendront ici notre attention : l'analyse stratégique et concurrentielle, la nature et les apports de l'alliance, les conséquences de l'alliance et les solutions et recommandations apportées. Dès lors, voici le sommaire:

I. L'ANALYSE STRATEGIQUE ET CONCURRENTIELLE.

Il convient en effet de s'attarder sur les événements qui ont conduit à l'alliance et ceux par une analyse des atouts et inconvénients des deux firmes (A). De cette dernière va naître une certaine complémentarité. Renault et Matra auront alors plusieurs vecteurs de stratégies pour se développer, mais celle qu'ils vont choisir sera la coopération! (B)
 

A. Atouts et inconvénients de Renault et Matra.


Matra possède actuellement selon Jean Louis Lagardère une marque de créativité technique dans le but de créer le marché dont on pressent le fort potentiel de développement jusqu'à ce que la nouveauté devienne la norme et consacre le pionner alors devenu leader (source site www.Matra.fr/). Mais cela n'était pas vraiment le cas dans les années 70-80.

En effet, Matra avait jusqu'alors connu des difficultés concernant la distribution et le service après vente de ses produits. Comme , il ne pouvait pas créer son propre réseau de distribution, il passa une alliance avec Chrysler-France permettant à Matra profitait du réseau de son partenaire. Le rachat de Chrysler-France par Peugeot, les difficultés dues à la crise pétrolière, la volonté de réduire les ambitions des inventeurs, l'échec de la Murena et le sentiment qu'avait Matra d'assumer tous les risques dans l'alliance ont entraîné la rupture de cette dernière et Matra Automobiles s'est à nouveau retrouvé sans réseau de distribution et avec un inconvénient supplémentaire qu'était le déficit financier dans lequel il se trouvait.

Toutefois Matra Automobiles posséder des avantages intéressants car d'une part comme Citroën, la firme disposait d'une image de marque technologiquement innovante suite au succès connu dans les compétitions sportives qu'était la formule 2 (champion du monde en 1967), la formule 1 (champion en 1969) et aux 24 heures du Mans (72,73,74).

Mais Matra avait un avantage concurrentiel technologique qui se traduisait de deux façons:

            D'une part la firme possédait un avantage fonctionnel par son l'invention d'un nouveau concept qu'était la voiture monocorps en plastique. En effet, la firme Matra possédait un bureau d'étude performant avec des process industriels innovants qui avait permis d'établir une synergie entre ses différents secteurs d'activités. Ainsi les secteurs comme Matra Défense et Matra Télécommunication avait permis à Matra Automobiles de développer la technologie plastique. Cette dernière permettait:

          un allégement de la voiture entraînant donc économie d'énergie,
          la résistance aux chocs et à l'usure donc économie d'entretien,
          des vibrations moindres donc un accroissement du confort pour le client.


    Matra était alors devenues la seule entreprise à produire une voiture dont la carrosserie était constituée d'éléments plastiques injectés fixés sur une structure métallique. Quant au système monocorps, c'était une idée de Philippe Guedon qui avait été convaincu par le concept du mini-van de Chrysler. Ce système permettait d'obtenir une carrosserie en architecture en acier galvanisé recouverte de panneaux plastiques peints.

            D'autre part Matra possédait un avantage structurel qui résidait dans la maîtrise de la technologie de petite série. Cette technologies permettait de produire à une cadence inférieures à 300 véhicules par jour, ce qui serait impensable pour une usine classique d'emboutissage qui devait et doit toujours produire au moins 500 unités/jour pour être rentable. Cette technologie s'expliquait par l'utilisation de la technologie plastique qui par l'utilisation de moule à durée de vie courte entraînait des opérations de remplissages à basse pression très lente pour éviter les bulles d'air.
       
    Concernant les atouts et inconvénients de Renault, on pet dire que ce constructeur avait l'expérience concernant la production en grande série mais ne maîtriser pas celle des petites séries. Pour lui l'investissement dans une structure de petites séries représenterait un investissement énorme due à la rigidité de son organisation et ne pourrait être rentabiliser à court et moyen terme.
       
    Toutefois, Renault dispose d'un réseau de distribution digne d'un grand constructeur, ainsi que le service après vente y afférent, et peut assurer à ses véhicules un succès commercial par le bénéfice de l'image de sa marque. Il dispose également d'une cellule marketing qui analyse le changement de mode de vie et essaie de déterminer les désirs du clients. A l'époque, cette cellule montra que les clients recherchaient à la fois une voiture ayant un comportement routier agréable et un aménagement intérieur spécifique. Il maîtrisait enfin la production d'éléments mécaniques permettant plus de performance et un comportement routier agréable.
Dès lors il convient de remarquer que suite aux crises pétrolières et pour faire face au développement croissant de l'industrie automobile asiatique, les européens ont cru nécessaire d'engager des coopération entre leurs firmes et ceux pour anticiper un retard ou essayer de le compenser. Ce qu'on constate par l'analyse de ses atouts et inconvénients, c'est qu'il y avait une certaine complémentarité entre Renault et Matra.
 
B. Vers une stratégie de coopération.


Selon J. Broustail, on distingue 5 voies principales d'accès à l'innovation pour l'acquisition de compétence et de capacité technologiques nouvelles. Il résume par le tableau ci contre les voies d'accès en dégageant le temps nécessaire, le coût généré, le risque encouru et la maîtrise obtenue.

VOIES D'ACCES TEMPS NECESSAIRE COUT GENERE RISQUE ENCOURU MAITRISE OBTENUE
Développement interne Long Elevé Elevé Elevée
Croissance externe Court Elevé Elevé Incertaine
Sous-Traitance Incertain Incertain Faible Incertaine
Licence Court Faible Faible Faible
Accord de coopération Incertain Incertain Faible Incertaine

Le développement en interne via notamment le département recherche et développement est la voie d'accès à l'innovation la plus classique et c'est celle qui procure la plus grande indépendance à l'entreprise en cas de réussite de l'innovation. Mais c'est aussi la plus risquée et la plus coûteuse. On admet d'ailleurs généralement qu'une entreprise est à l'origine de moins de la moitié des innovations qu'elles utilise et que même si on développe tout en interne, les concurrents mettent rarement plus de deux ou trois ans pour copier une idée innovante.

La croissance externe consiste à faire l'acquisition de l'entreprise innovatrice. On peut remarquer que cette acquisition n'est pas nécessairement totale: il peut être suffisant de détenir une part minoritaire du capital de l'innovateur pour profiter de ses résultats. Cependant, elle est généralement coûteuse, d'autant plus que le potentiel d'innovation de l'entreprise acquise et élevé, et ses résultats sont incertains.

La sous traitance consiste à passer des contrats de recherche avec des organismes externes tels que des sociétés d'études, des cabinets de conseil, des centres de recherche publics ou privés, des universités. Les résultats sont toutefois variables car elle permet généralement de profiter d'experts de très haut niveau, mais tant le délai d'apparition de l'innovation que son coût ou la maîtrise obtenue reste incertain.

L'acquisition d'une licence auprès d'un innovateur. Cette approche est en générale la plus rapide, la moins coûteuse et la moins risqué. Cependant la maîtrise de l'innovation par l'entreprise acquéreuse et souvent fortement limité par le contrat de licence, qui peut notamment prévoir des restrictions géographiques ou sectorielles à son utilisation, ainsi qu'une rémunération indexée sur les bénéfices retirées de l'innovation.

Les accords de coopérations regroupent les partenariats et les alliances qui sont un des modes d'accès les plus "en vogue" dans les entreprises. Les raisons viennent du fait que le coût de la recherche et développement est prohibitifs dans de nombreuses industries, que la convergence des innovations et de plus en plus courante, et qu'il y a une volonté de multiplier les diversifications à moindre coût pour ne pas être trop sensible aux crises sectorielles.

Roberts et Berry ont proposé quant à eux une grille d'aide à la diversification technologique fondée sur le degré de familiarité de l'entreprise avec ses nouveaux marchés et ses nouvelles technologies. L'avantage de cette grille est qu'elle peut servir d'outil d'aide à la diversification technologique, en indiquant quelle voie d'accès à l'innovation il est préférable d'envisager, en fonction de la proximité des marchés et des technologies convoitées. Son inconvénient principal est de négliger la sous-traitance auprès des instituts de recherche qui est pourtant une voie d'accès à l'innovation qui peut s'avérer très intéressante.

      TECHNOLOGIES  
    Connues Nouvelles mais familières Nouvelles mais inconnues
M Nouveaux et inconnus COOPERATION CROISSANCE EXTERNE CROISSANCE EXTERNE
A

R

C

H

Nouveaux mais familiers DEVELOPPEMENT INTERNE OU CROISSANCE EXTERNE DEVELOPPEMENT INTERNE, CROISSANCE EXTERNE OU LICENCE CROISSANCE EXTERNE
E

S

Connus DEVELOPPEMENT INTERNE DEVELOPPEMENT INTERNE, CROISSANCE EXTERNE OU LICENCE COOPERATION

Ainsi en ce qui concernent les atouts et compétences de Matra et Renault, on constate qu'il y a une certaine complémentarité entre ces derniers. Dès lors une coopération serait justifiée, d'autant plus que d'après Robert et Berry la technologie est connue (voiture plastique et production pour Matra) et que le marché est nouveau (c'est une diversification). A ce propos Matra avait un projet de berline monocorps à carrosserie plastique que Peugeot avait refuser de développer au cours de son alliance. Matra ne bénéficiant pas de réseau de distribution et de service après vente ne pouvait le développer seul. C'est par l'alliance avec Renault que ce projet a pu être mis en oeuvre

II. NATURE ET APPORTS DE L’ALLIANCE

Les alliances stratégiques sont en vogue. Cependant, la réalité que recouvre cette expression est rarement définie de manière précise.

Nous définirons l’alliance comme l’ont fait messieurs Garette et Dussauge:

      "Les alliances stratégiques sont des associations entre plusieurs entreprises indépendantes qui choisissent de mener à bien un projet ou une activité spécifique en coordonnant les compétences, moyens et ressources plutôt que:
        - de mettre en œuvre ce projet ou cette activité de manière autonome; ou en supportant seul les risques, et en affrontant seul la concurrence.

        - de fusionner entre elles ou de procéder à des cessions ou acquisitions d’activités."

      Afin de bien comprendre la nature et les apports de l’alliance stratégique entre Matra Renault , nous étudierons dans un premier temps, les diverses alliances possibles entre entreprises concurrentes (A) pour arriver à la conclusion qu’il s’agit en l’espèce d’une alliance complémentaire (B).
       
       
       
    A. Une alliance entre entreprises concurrentes.
Les alliances unissant des entreprises concurrentes peuvent prendre trois formes différentes :
    Elles unissent des entreprises dans le but de réaliser des économies d’échelle sur un composant ou sur un stade isolé de la production. Elles peuvent ainsi réduire les coûts de production, bénéficier de l’effet d’expérience et atteindre une taille critique.

    Ces éléments communs sont destinés ensuite à être incorporé à des produits qui restent spécifiques à chaque entreprise partenaire et qui vont même être concurrents sur le marché. Ainsi, IBM et APPLE ont développé en commun le power PC mais ont vendu chacun de leur côté le produit. On peut aussi prendre l’exemple du moteur V6 (développé par Peugeot , Renault et Volvo) qui a été mis sur le marché par chacune des marques. C’est le marché qui s’est ensuite chargé de l ‘arbitrage de cet concurrence.

    Cette alliance de co-intégration est très fréquente en matière de recherche et développement et dans le secteur de l’automobile.

    Mais en l’espèce on ne peut considérer que l’alliance Matra –Renault est une alliance de co-intégration . Malgré le fait que ce soit deux entreprises concurrentes, elles fabriquent un produit commun et non un composant et ne développent pas de processus commun. De plus, elles vont mettre sur le marché le même produit et non un produit spécifique pour chaque entreprise.
     

    Elles vont associer des entreprises qui développent, produisent et commercialisent un produit commun. Comme pour les alliances de co-intégration, les actifs et les compétences que les entreprises partenaires apportent au projet commun sont de nature similaire. Les objectifs recherchés sont : les économies d’échelle , l’augmentation des parts de marché et l’atteinte d’une taille critique.

    Mais ici, il n’y aura qu’un seul produit commun aux deux alliés qui est mis sur le marché par chacun des partenaires. Ainsi, la concurrence va disparaître sur ce produit (contrairement aux alliances de co-intégration).

    Ce type d’alliance va se développer principalement sur trois secteurs d’activité :

        - la production

        - la commercialisation

        - la recherche et développement

    L’exemple typique est le Concorde qui résulte d’une alliance de pseudo-concentration entre Sudaviation et British Aerospace.

    Ces alliances concernent principalement l’aérospatiale et l’armement;

    Ce mode d’alliance (qui est la coopération la plus étroite) a pour objectif la conception d’un produit commun. Dans cette mesure, les partenaires apportent des actifs de nature similaire à l’inverse de Matra-Renault qui apportent des actifs de nature différente.

    En conséquence, les partenaires mettent tous deux sur le marché un produit identique . La concurrence disparaît ainsi aux yeux du marché car ils se comportent sur le marché comme des entités fusionnés. Toutefois, cette alliance n’exclue pas certaines rivalités internes à la coopération.

Elles associent des entreprises qui contribuent a un projet en collaboration avec des actifs et des compétences de nature différente. Chaque allié va effectuer des tâches supportées par les actifs qu'il maîtrise. Ainsi, Ericsson s'est associé à Matra pour développer sa présence en France.

Ici, l'objectif est d'exploiter la complémentarité des apports en évitant à chaque firme d'investir dans les actifs identiques de ceux du partenaires.

Dans le cadre de l'alliance Matra Renault; Renault qui est déjà implanté sur le marché automobile commercialise un produit qui a été initialement développé par Matra qui est une entreprise concurrente. L'alliance Matra Renault est donc bien une alliance complémentaire.
 

B. Une alliance complémentaire et amicale.


Comme nous l'avons vu, l'alliance Matra Renault est une alliance complémentaire. En effet, chaque allié effectue les taches supportées par les actifs qu'il maîtrise. Ainsi Matra maîtrise la technologie (depuis 1977 grâce à la Matra Simca Rancho) du modelage plastique par injection de la peinture.

L'avance de Matra sur les matériaux composites (qui sont un axe technologique important du développement futur dans l'automobile, cet atout résulte en partie de synergie avec le reste du groupe Matra) ont permis la fabrication en série de la carrosserie de l'espace dans l'usine de Romorantin qui appartient à Matra. Or Renault étant un fabricant de voiture en grande série ne maîtrise pas cette technologie. Quant à ce dernier, il a apporté en outre son réseau de distribution, puisque Matra Automobile n'a jamais disposé de son propre réseau de distribution compétitif (et a donc du à chaque fois contracter des alliances pour avoir la possibilité d'écouler ses voiture).

Renault s'est aussi occupé du marketing en focalisant la clientèle sur un segment restreint moderniste à revenu élevé, capable de payer un surprix pour avoir une voiture. Ce que ne semble pas avoir fait Matra lorsque elle était alliée à P.S.A.

Même la recherche et développement semble avoir eut une conception complémentaire, puisque si Matra a été créateur du concept dans sons intégralité, Renault a affiné la ligne, s'est occupé des côtes du véhicules, du plancher plat et du moteur.

Il convient de remarquer toutefois que pour certains, l'alliance Matra Renault associerait plutôt un maître d'oeuvre (Renault) et un sous traitant (Matra). En effet, la sous traitance est la fourniture d'une prestation de service à la demande d'un donneur d'ordre selon des spécifications imposées par lui. Le contrat spécifie des prix, des délais, des quantités, et un niveau de qualité à atteindre.

La sous-traitance se double souvent par un état de dépendance du sous traitant vis à vis de son fournisseur. Cet état tient principalement au fait que le sous-traitant n'a aucun contact avec le client final.

La sous-traitance se caractérise dans le cadre de l'automobile par l'élaboration par le constructeur d'un cahier des charges puis il achète au sous traitant le produit fini.

On peut donc dire que dans une certaine mesure, le lien unissant Matra Automobiles à Renault peut être envisagé comme une relation de sous-traitance. En effet, Matra Automobiles fabrique avec ses moyens des produits mais avec des composants pour la plupart fournit par Renault lui même. Une fois le produit achevée, Matra Automobiles rend le produit à Renault qui le commercialise sous sa seule marque. Matra Renault ainsi vend avec ses produits un savoir faire qu'il possède en propre.

Cependant, le contrat qui unit Matra automobile à Renault bénéficient de deux spécificités qui l'éloignent de la seule sous-traitance:

      * les recettes engendrées par le véhicule profitent pour partie à Matra Automobiles.
* l'apport du projet par Matra n'est pas négligeable. Renault a certes apporté le concept du monospace de la voiture à vivre à l'intérieur de laquelle il est possible de se déplacer, mais sans la collaboration de Matra Automobiles, cette idée n'aurait plus se concrétiser.

Donc même si la relation Matra Renault n'est pas une sous-traitance, le fait qu'elle s'en approche nous permet de déterminer le leader (Renault) et donc vérifie la quatrième règle d'or de l'alliance (cf annexe).

Au surplus, ceci se corrobore par le fait que l'alliance est une alliance complémentaire amicale ou pacifique puisqu'aucune des entreprises participantes ne peut ou n'a intérêt à s'approprier les compétences de l'autre (du moins à l'origine). Cela signifie d'une part que l'entreprise (Matra) qui apporte le produit ne va pas chercher à se doter du savoir faire commercial de son partenaire (Renault), et que d'autre part, la firme qui apporte le réseau commercial ne va pas chercher à acquérir les compétences technologiques de son alliés.

Une telle conjonction de circonstances peut sembler assez utopique dans le cadre d'une alliance entre concurrent. Pourtant, bien qu'elle soit rare, elle existe lorsque l'un des partenaires apporte un produit très différencié tout en étant durablement dépourvu des moyens de pénétrer sur le marché de manière autonome.

Ainsi, Le projet de monospace a été proposé par Matra au début des années 1980 et correspondait à une voiture très différenciée par rapport au marché automobile en général et à la production de Renault en particulier. Si cette différenciation n'avait pas existé, Renault n'aurait eu aucune raison de vouloir distribuer un produit directement concurrent du sien. D'un autre côté, si Matra avait eu les moyens de se doter d'un réseau commercial dans l'automobile, il est évident qu'une alliance avec un concurrent aussi puissant que Renault n'aurait pas été souhaitable.

Pour Renault, la distribution de l'espace dans son réseau commercial ne représentait qu'un coût marginal et comme la cible de clientèle était très étroite, il était économiquement préférable d'utiliser la technologie des petites séries de Matra plutôt que de fabriquer la voiture dans une usine Renault.

La réussite commerciale et financière de l'espace montre bien que les conditions étaient réunies pour valoriser à travers une alliance la complémentarité profonde existant entre les contributions respectives des partenaires.

Cependant, même quand aucun des partenaires n'a la volonté délibérée de faire cesser la situation de dépendance réciproque, la complémentarité entre alliée peut cesser d'être exploitable du fait de l'évolution technique commerciale ou sectorielle et provoqué ainsi la rupture de l'alliance. C'est à cette éventualité que doivent se préparer les partenaires !

Dans l'alliance Matra Renault, les taches et les fonctions prisent en charges par les partenaires sont organisés de telles sortes que les transferts de compétences sont pratiquement inexistants. Renault n'intervenant pas dans l'assemblage de l'espace n'acquiert pas de savoir faire particulier dans la technologie plastique et la petite série; Matra ne participant pas à la distribution des produits ne développent pas de compétence commerciale.

Bien sur quelques apprentissages ponctuels ont eu lieu; par exemple, Renault a collaboré avec Matra en prenant une participation de 35% dans Datavision qui s'occupe de conception assisté par ordinateur. On constate alors qu'il y a eut synergie.
 
 

III. LES CONSEQUENCES DE L'ALLIANCE

On remarque d'abord des effets de synergie interne c'est à dire que l'entreprise s'efforce d'élargir son champs de compétence interne, afin de pouvoir en élargir le champs de ses activités et assurer son développement.

En fait elle utilise ses compétences pour se diversifier vers des activités complémentaires.

L'alliance peut aussi mener à des effets de synergies externes. Les partenaires possédant des compétences complémentaires se réunissent dans le but de pouvoir mener à bien une activité qui sans cela serait hors de portée pour chacun des acteurs. Matra et Renault, dans leur alliance complémentaire ont recherché des effets de synergie externe.

La logique de base dans ces alliances est en général d'échanger l'accès à un marché contre l'accès à un produit. Dés lors, nous pouvons nous demander quelle est la valeur respective de ces contributions?

L'expérience montre que confier la distribution d'un produit à un concurrent est souvent positive à l'origine de l'alliance. Cela conduit à la conclusion d'un accord mais l'évolution de l'accord dans le temps peut amener l'un ou l'autre des partenaires à réviser leur jugement initial.

En effet la complémentarité de départ n'est pas forcément durable et l'équilibre au sain de l'alliance peut s'altère avec le temps. L'un des partenaires pourrait profiter de l'alliance pour s'approprier des compétences ou investir dans des actifs qui lui font défaut à l'origine; de manière à promouvoir ultérieurement les activités de l'alliance de façon autonome.
 

B. L'évolution des objectifs et alliances paradoxales


Lors de son lancement, l'espace n'est pas un véhicule prometteur tant en terme industriel qu'en terme commerciaux. En effet, les investissements de Matra ont été volontairement limité à 250 millions de francs alors que 600 millions étaient nécessaires. De plus, les services commerciaux de Renault doutaient de l'intérêt du concept de ce véhicule.

Malgré une position de faiblesse, l'espace a tout de même bénéficier de facteur de réussite. En effet, la nationalisation de Matra incite le gouvernement à encourager un rapprochement avec Renault. De plus, les relations personnelles de Mr Lagardère et Hanon ont appuyé le développement de l'espace. Un an après les ventes décollent.

L'évolution des objectifs est sans équivoque positive. Malgré des débuts difficiles consécutifs à un lancement confidentiel, la Renault Espace est une voiture dont le succès s'inscrit dans les anales de l'histoire de l'automobile.

Cette voiture a contribuer au redressement de Matra automobile et à sa rentabilité hors du commun dans son secteur. Lorsque l'on analyse les objectifs, on constate que les prévisions ont toujours été en dessous des demandes du marché.

En effet, à plusieurs reprises, Matra et Renault ont dû renégocier leur contrat avec des prévisions en augmentation pour répondre à la demande. Cette évolution témoigne d'un changement des structures de marché et du développement des voitures monocorps tel que l'Espace.

Ces évolutions amènent à poser un problème: la remise en cause de l'alliance entre Matra et Renault en raison de la structure des coûts de cette même alliance.

Pour étudier la remise en cause d'une alliance, il convient de revenir aux sources de cette même alliance. Le projet de monospace est celui d'une voiture différenciée au début des années 1980 par rapport au marché en général et à la production de Renault en particulier. Si cette différenciation n'avait pas existé, Renault n'aurait eu aucune raison de vouloir distribuer un produit directement concurrent des siens.

En outre, si Matra avait eu les moyens de se doter d'un réseau commercial, une alliance avec un concurrent aussi puissant que Renault n'aurait pas été souhaitable. Pour Renault, la distribution de l'Espace dans son réseau représentait un coût marginal. De plus, le marché était peu développé et l'outil industriel de Matra souple et adapté aux petites séries était idéal pour la fabrication de ces petites voitures. L'alliance entre Matra et Renault réunissait donc les complémentarités les plus profondes.

Aujourd'hui cette alliance est remise en cause et semble paradoxale. Pourquoi? Dans les années 80-90, le marché des monospaces était très restreint; une technologie basée sur la carrosserie en métal aurait été impossible à rentabiliser. L'étroitesse du marché représentait donc une barrière commerciale pour les concurrents. La technologie plastique étant la seule viable et rentable pour les petites séries, sa maîtrise s'avérait indispensable pour la conception et la commercialisation d'un monospace. Cette technologie représentait donc une barrière technologique pour les concurrents.
 

IV. LES SOLUTIONS ET LES RECOMMANDATIONS

Le danger pour l'alliance Matra Renault arrive lorsque le marché permet d'écouler plus de 500 véhicules par jour. Dès lors, il commence à devenir intéressant pour un concurrent d'utiliser la technologie métal. En effet, un véhicule fabriqué en métal et en grande série aurait un coût de revient plus faible que l'espace qui utilise la technologie plastique.

Le marché des monospaces prévoit un développement très important et une production extraordinaire de la demande de ce type de véhicule. Ainsi, après avoir attendu le développement du marché, les concurrents commencent à lancer des monospaces en métal.

L'alliance entre Renault et Matra est donc remise en cause et peut sembler paradoxale puisqu'elle repose sur des structures de production et de coût qui ne sont plus adaptées au marché d'aujourd'hui.

Même si Matra Renault a de la marge dans la baisse des prix de la Renault Espace, l'alliance est sur le long terme technologiquement non viable. En effet, le marché est aujourd'hui suffisamment développé pour mettre en place des chaînes de production en métal à une cadence de 500 véhicules par jour. La Renault Espace en métal serait plus compétitive.

Sachant que l'un des intérêts de l'alliance entre Matra et Renault était de nature technologique et qu'aujourd'hui celui-ci n'est plus nécessaire, Renault serait tenté de casser l'alliance et de produire l'espace en métal. Matra serait purement et simplement exclut de l'alliance et une renégociation s'imposerait pour redéfinir un partenariat.

Ce dernier pourrait s'orienter vers ses métiers naturels que sont la production de véhicule en petite série et l'ingénérie automobile.

Or riche de cette expérience, Renault est désormais tout à fait capable de développer un monospace par lui même, alors que Matra reste entièrement tributaire de sa coopération pour la motorisation et la distribution d'éventuels nouveaux modèles. Renault a donc acquis une position très favorable dans cette alliance, alors que Matra se retrouve dans une position de dépendance.