les enjeux du contentieux de l'urbanisme

 

Il y a tout d'abord une donnée qu'il est important d'énoncer en préliminaire: le contentieux de l'urbanisme représente la part la plus importante du contentieux administratif

 

Depuis quelques années la quantité de ce contentieux n'a fait que croître

 

Plusieurs raisons justifient cela:

 

-des écarts de la légalité plus nombreux(corruption non respect des procédures)

-une inflation et une complexité croissante des normes en ce domaine

-une raréfaction de l'espace qui entraîne des discussions plus intenses sur l'utilisation de celui qui reste

-des besoins différents et souvent opposés: industriels, besoins d'habitat, de circulation, l'environnement est aussi à prendre en compte, besoins esthétiques, financiers, économiques, politiques, de sécurité, et impératifs naturels; Certains sont inconciliables

-Des parties en présence qui n'ont pas les même optiques: Etat, collectivités publiques,entreprises, associations, particuliers

 

 

Longtemps considérés comme un contentieux de voisinage, il est devenu essentiellement un contentieux économique et financier

 

Dans ce domaine, on utilise tous les moyens possibles car le contentieux fragilise les projets et leur équilibre financier; Ces moyens seront parfois différents selon que l'on souhaite retarder ou détruire le projet

 

A travers cette optique, on perçoit aisément les enjeux du contentieux de l'urbanisme:

Le premier sera la constructibilité; C'est l'objectif principal du constructeur et c'est donc par là que les opposants vont attaquer; Elle sera ciblée pour elle même, c'est à dire pour le bâtiment lui même, ou alors pour le projet qui se trouve derrière(ex: construction d'un centre commercial, d'une usine de production)

Le second enjeux est le temps. Le but est alors de faire perdre du temps du temps. Cela entraînera du retard dans la construction et générera des coûts supplémentaires

Le dernier enjeux est le facteur essentiel de tout projet immobilier ou commercial: c'est l'enjeux financier; Le plus souvent derrière l'immeuble se cache une opération beaucoup plu importante dont la construction n'est qu'un moyen

 

 

            I. LA CONSTRUCTIBILITE

 

Comme il a été dit, derrière l'immeuble se cache souvent un projet !

 

On attaquera l'édifice achevé ou en devenir pour lui même. Ce sera le cas par exemple d'une action civile fondée sur un inconvénient anormal de voisinage, intentée par un voisin

 

Ou alors il sera attaqué pour le projet .Ce sera par exemple le cas de concurrents de la société qui batit, il attaqueront pour faire retarder au maximum l'ouverture d'une grande surface

 

Comment va se concrétiser cet enjeux de la constructibilité?

 

Cela passera par le permis de construire. Il s'agit d'une autorisation d'autant plus fragile qu'elle est menacée de toutes parts par des contentieux divers: annulation par le juge administratif, référé civil, action en interruption des travaux ou action en démolition

 

Quand il sera refusé le promoteur aura le choix:

            -reformuler une autre demande

            -arrêter l'opération, ce qui sera fort rare

            -attaquer la décision de refus l'octroi du permis de construire

 

 

Mais bien souvent c'est le permis qui sera attaquer. Dès lors le constructeur est dans l'expectative, il est incertain sur la suite de la procédure

 

Le premier aspect de problème touche la qualité des " adversaires". Ce terme peut surprendre, car en principe c'est une décision ou un acte administratif qui est mis en cause et non une personne identifiée. Mais il est évident qu'a travers l'acte c'est le constructeur qui est visé. Cela est beaucoup moins choquant en contentieux civil.

 

Qui seront donc les adversaires? La question déterminante sera de savoir si ils ont intérêt à agir.

 

Il faut savoir que le recours fragilise le projet et il arrive souvent que se soit indûment.

Sachant que cet intérêt est admis par les tribunaux d'une façon très large, on perçoit facilement les effets pervers. Il est concevable qu'un projet soit paralysé car il est entaché d'irrégularité, mais bien souvent une cohorte de requérants se présentera avec pour seul but l'intention de nuire.

La jurisprudence a essayé de limiter ce travers sans trop de succès. Elle a par exemple jugé qu'une association qui a un champ d'application trop large pouvait ne pas avoir intérêt à agir.

 

La solution à retenir serait de responsabiliser les requérants en mettant un prix à leurs actions. Actuellement c'est la quasi impunité. Une assignation pour procédure abusive est possible mais son efficacité reste limitée.

 

Peut être faudra t il une amende pour recours abusif qui serait infligée par le juge dès que l'abus est flagrant.

 

Ainsi il on restreindrait les procès dilatoires

 

Bien sûr il n'y aura pas que le permis qui sera attaqué .Les autres documents d'urbanisme seront aussi remis en cause. Il sont très nombreux et complexes , aussi quand l'un d'eux est annulé , il y a forcément des répercussions sur ceux qui auront été pris sous son empire.

 

 

Prenons par exemple le P.O.S. Quel sera l'effet de son annulation sur le permis de construire?

 

Ici s'applique en principe la chaîne d'illégalité. Le permis de construire est en principe annulé. Le Conseil d'Etat en 1986 a décidé que l'annulation du permis est effective si elle concerne des dispositions qui ont été édictées pour rendre possible l'octroi du  permis, ou si le permis n'a été accordé que grâce à l'illégalité.

 

Or ces cas le permis ne doit pas être annulé, mais le juge vérifiera ensuite si les règles remplaçant le POS rendent possible l'octroi du permis.

 

A ce sujet , le code de l'urbanisme a été récemment modifié. L'article L 125-5 énonce que le POS annulé est remplacé par le POS précédent ou autre document en vigueur .

 

Il faut noter que la solution est la même en cas d'annulation de l'autorisation de lotir.

 

A travers ces deux petits exemples, on perçoit aisément l'importance des documents et autres autorisations qui servent de base à la construction. Il sont nombreux et les stratégies d'attaques n'en sont que plus faciles pour anéantir ou retarder la construction

 

Le retard est parfois le seul but recherché par l'adversaire, car le temps c'est de l'argent

 

 

II. LE TEMPS.

 

Trois , quatre, cinq ans parfois plus, c'est la durée d'une procédure en la matière.

 

Quelque fois la procédure sera très dissuasive, et le promoteur préférera retirer son projet ou le déplacer plutôt que de s'engager dans un contentieux long et coûteux.

La justice est connue pour sa lenteur , et pendant ce temps il règne une incertitude

 

Bien sûr, en cas de décision favorable , un appel n'aura pas en principe d'effet suspensif. Les travaux pourront donc continuer , mais le doute subsiste tout de même tant que la procédure n'est pas close.

 

En principe car le sursis à exécution existe. Il peut être demandé par une des parties si des moyens sérieux qui font présager l'annulation ou si un préjudice difficilement réparable serait subi si la décision était exécutée, sont présentés au juge.

 

Le droit de l'urbanisme est le domaine de prédilection du sursis à exécution.

il est souvent demandé , mais certains plaideurs ne le font pas pour faire planer le doute sur l'autre partie. Peut-être dans ce cas le constructeur a t il intérêt à le faire demander par un ami qui l'assignerai. Ainsi il aurait un indice sur la suite de al procédure : si le juge l'accorde c'est mauvais signe , s'il le refuse l'effet est inverse.

 

Des modifications ont été apportées pour améliorer le sort des constructeurs. Cela était indispensable , d'autant que l'on assistait de plus en plus à des désistements monnayés.

 

L'article L 600-3 impose la notification au bénéficiaire de toute autorisation ,du recours , contentieux ou gracieux, formé contre celle ci et cela dans un délai de 15 jours. En effet avant cette disposition le constructeur pouvait ignorer pendant de long mois que son projet était attaqué.

 

Une autre mesure pour alléger les délais et autres contraintes temporelles a été prise. L'exception d'illégalité n'est recevable à l'encontre d'un document d'urbanisme que pendant un délai de 6 mois(il existe quelques exceptions).

 

En ce qui concerne les modifications de législation envisageables, la légalité sous réserve pourrait être instaurée. Au lieu d'annuler , le juge pourrait autoriser sous la condition que le constructeur respecte les réserves(conditions) posées par le tribunal. Un peu comme le fait le conseil constitutionnel. Cela éviterait une annulation inutile et pouvant avoir un double effet néfaste. Supposons une annulation de permis , un second est proposé en rectifiant les erreurs, rien ne garantie qu'il ne sera pas de nouveau annuler pour un autre motif.

 

Avec la légalité sous réserve on éviterait de tels aléas

 

Il reste quelques facteurs temporels à ne pas négliger; Les délais légaux de recours sont bien sûr à surveiller. Il en est de même du délai de péremption du permis de construire qui est de deux ans.

Enfin , il reste à souligner l'existence de diverses procédures d'urgence comme le référé civil ou le déféré préfectoral.

 

 

            III. LES ENJEUX FINANCIERS

 

Il est bien sur évident que toute procédure a un coût. Ce dernier , en contentieux de l'urbanisme peut être très élevé (frais de procédure, expertise, ...)

 

Le temps de la procédure aussi a un coût. C'est un retard à l'accès à l'amortissement et donc à la rentabilité. Si le contentieux entraîne un retard dans l'ouverture d'un magasin , il y aura forcément un manque à gagner. Et on ne parle pas d'un éventuel retard pris sur la concurrence.

 

Dans le pire des cas , la procédure peut aboutir à l'anéantissement du projet, ou encore à la démolition de l'immeuble. Dans ce cas les pertes financières sont énormes. Elles peuvent même avoir des conséquences dramatiques : liquidation judiciaire d'entreprises, pertes d'emplois .

 

On peut aussi imaginer  en matière d'urbanisme commercial, que les locaux soient achevés et que l'autorisation d'exploiter ne soit pas accordée.

 

En tout état de cause , il faut savoir que les promoteurs, ou autres grandes surfaces, s'attendent à avoir des résistances et donc des procédures à gérer. Il évaluent donc en montant leur projet, les risques juridiques de l'opération , et le coût probable des contentieux qu'ils devront affronter. Ainsi construire au bord d'une autoroute risque de moins causer de problèmes que de bâtir à côté d'un monument classé , ou dans une bourgade paisible ou encore dans un cadre naturel .

 

Il reste à préciser qu'aujourd'hui , les constructeurs n'hésitent plus à engager la responsabilité de la puissance publique qui aura délivré une autorisation illégale ou ayant causé un préjudice au promoteur.