L'apparition de la monnaie

 

Par nature, l'échange libre est profitable aux deux parties. Si l'échangiste accepte de céder l'objet qu'il offre, c'est parce que l'objet qu'il demande lui apportera plus de satisfaction. Grâce à cette possibilité d'échange, chaque agent sera incité à se spécialiser dans les produits pour lesquels il est le mieux doté, c'est à dire le plus apte. Cette spécialisation lui permet de se procurer ce qu'il désire et que les autres ont relativement plus de facilités à prendre.

A.    La monnaie et l'information.

Robinson ne connaît pas les désirs d'échanges de chacun de ses voisins. S'il voulait les connaître, il devrait y consacrer beaucoup de temps. Comme eux, Robinson produisait tout ce dont il avait besoin, lorsqu'il apparaît l'échange, apparaît aussi la spécialisation.

Robinson se spécialise et ses voisins aussi, il finit par savoir qui peut échanger, quand, quoi et chacun de ses voisins aura le même type de connaissance. Si Robinson vit dans un système stationnaire, quand la condition se produit, chacun finirait par connaître les conditions du marché. Or ce n'est pas le cas, car il y a des investissements. De plus, les conditions de production changent à chaque période et les besoins aussi.

A chaque instant, il faut redécouvrir les conditions du marché, les quantités et les prix relatifs. Robinson sera amené à consacrer beaucoup de temps à la recherche de son partenaire qui veut faire un échange exactement symétrique au sien. Il sera amené à pratiquer un échange indirect. Il acceptera des biens dont il n'a pas directement besoin, mais dont il pense qu'un partenaire éventuel a besoin. Il sera prêt à cet échange indirect. Progressivement plusieurs liens seront choisit pour jouer ce rôle.

Ces biens, choisis comme l'intermédiaire des échanges, ont une valeur objective des échanges parce qu'ils ont une utilité. Ils sont désirés pour eux-mêmes parce que leur acheteur, en attend des services. Ces biens sont achetés par les individus qui peut-être ne s'en serviront jamais directement. Pour être sélectionné comme intermédiaire dans l'échange, un bien doit avoir certaines caractéristiques physiques: la capacité d'être conservé comme les pierres ou les métaux.

Ces différents biens peuvent coexister et se faire concurrence. On peut penser que les échangistes seront amenés à sélectionner un certain nombre de ses biens et peut-être seul. Les opérateurs privilégient quelques monnaies. Déjà dans cette économie primitive, la spécialisation se développe et chacun se spécialise dans les activités pour lesquelles il est le plus apte soit qu'il en ait les capacités, le goût ou parce qu'il détient des informations ou des moyens de production spéciaux. Certains agents se spécialisent dans la production de bien dont le rôle principal et de faciliter les échanges. Ces biens correspondent à des monnaies.

B.    L'utilité de la monnaie.

Elle dépend de deux facteurs principaux:
     l'acceptation générale de ce rôle, la validation sociale, la liquidité.
     la stabilité du pouvoir d'achat

Une monnaie n'est utile que si les autres l'acceptent. Plus une monnaie est acceptée, plus elle est utile. Quand la monnaie est acceptée, on dit qu'elle est liquide. Plus elle est liquide, plus elle est utile, plus elle est demandée et plus elle est liquide. Une monnaie est d'autant plus utile qu'elle permet d'obtenir les biens désirés au moment choisit. L'inflation correspond à l'ennemi de la monnaie. Le pouvoir d'achat d'une monnaie n'est pas perçu de la même façon pour tous les échangistes.

Dans la société de Robinson, un indice de prix exprimé en terme de panier de marchandises, comporte une part d'arbitraire dans la composition. C'est une approximation qui est le reflet d'une évolution moyenne du pouvoir d'achat de la monnaie en fonction de la structure des échanges spécifiques à chaque société. Si dans la société de Robinson, une monnaie particulière s'impose et qu'elle est produite par un des voisins de Robinson telle une pièce de bronze, cette monnaie permet l'échange indirect et aussi l'échange dans le temps.

C'est une réserve de pouvoir d'achat, c'est un pouvoir d'achat généralisé disponible à chaque instant et échangeable à tout moment. La monnaie garantie est détenteur contre un risque: celui de se trouver en défaut de paiement. On peut comparer la monnaie à une assurance suivant un niveau d'encaisse, il limite la portée du défaut de paiement. Si Robinson est confronté à une dépense imprévue, il pourra faire face à cette dépense dans la limite de la monnaie qu'il aura conservée.

Chaque détenteur compare l'utilité personnelle de monnaie qu'il conserve à l'utilité personnelle (c'est à dire subjective) de ce qu'il renonce à acheter pour conserver de la monnaie. Les titres et les créances sont des droits de propriété sur les biens futurs. La monnaie est contraire aux titres sous deux formes:

Elle est plus liquide qu'un titre, son échangabilité est supérieure au titre. La monnaie peut être échangée à n'importe quel moment contre n'importe quel bien selon le choix de son possesseur. Un titre est échangé à une échéance déterminée. La monnaie est échangeable contre n'importe quel bien. Le titre n'est échangeable que contre un bien spécifique. On peut échanger un titre contre un autre bien que celui prévu. Celui qui accepte cet échange devra dépenser des coûts d'information pour évaluer le risque auquel il s'expose. L’émetteur du titre a une solvabilité alors que l'échangabilité de la monnaie est reconnue par toutes les distinctions importantes entre la monnaie et le titre. L'information sur l'acceptabilité et la capacité de maintenir la valeur et le pouvoir d'achat.

Le titre rapporte un intérêt, ce n'est pas le cas de la monnaie. Le titre et la monnaie offre à leur détenteur le même type de service du rendement et de la liquidité, mais dans des proportions différentes. La frontière entre le titre et la monnaie est perméable. Les biens monétaires et financiers sont très différents. La monnaie est le plus liquide des actifs.

Il y a deux fonctions de la monnaie: instrument d'échange individuel et instrument d'échange de valeur. On trouve par la suite une troisième fonction: le numéraire d'étalon de valeur. Ce n'est pas la plus importante, mais celle que l'on évoque en premier. Dans un système de troc, on doit prendre en compte un grand nombre de prix relatifs: ceux de tous les biens pris deux à deux, même sans monnaie, il est possible de recourir à un étalon de valeur, à un bien choisit comme numéraire.

Une fois qu'on a le numéraire, il est facile de connaître le prix relatif de deux biens. Il suffit que les deux biens soient exprimés dans le même numéraire. Plus il y a de biens, plus le recours a un thème numéraire et utile. On économise sur le coût d'intervention. On peut facilement imaginer que dès que le numéraire est familier à tous, il soit retenu comme instrument d'échange, mais il n'est pas exclu que les instituts d'échange et de numéraire soit distincts.

Soit par exemple le numéraire est un dollar U.S. et l'instrument d'échange le peso, on constate une dissociation du numéraire et de l'échange. Pour avoir deux références, il suffit de connaître le prix relatif de la monnaie locale dans le numéraire. Il est plus commode d'utiliser le même bien dans la monnaie et le numéraire.

La monnaie facilite le transfert dans le temps des droits de propriété sur le bien et le transfert des droits de propriété entre de nombreux échangeurs. Si le droit de propriété de chaque échangeur n'est pas reconnu, les transferts de richesses seraient arbitraires et contraints. La monnaie permet l'expression du droit de propriété et contribue a spécifié ces droits.

C. Le prix de la monnaie.

La monnaie est un pouvoir d'achat dont la mesure dépend de la composition du panier retenu. Le pouvoir d'achat est d'abord une notion subjective, les prix des biens sont relatifs avant d'être absolus. L'or ou le blé ont un prix en terme des autres biens. On peut choisir un bien comme numéraire et le prix sera l'expression de l'équivalence de deux biens échangés sur un marché.

Échanger correspond à la fois à acheter et vendre. Chacun des deux échangistes est à la fois offreur et demandeur. L'échange ne se produira que si les désirs d'échange des deux partenaires sont symétriques. Toute offre et en même temps demande et réciproquement.

Le prix d'un bien sur le marché sera la résultante observable de l'appréciation subjective de la valeur des deux biens tels qu'ils sont perçus par chacun des échangistes. Le prix relatif des produits pris deux à deux évolue dans le temps. La rareté relative des deux biens évolue du fait des évolutions dans la quantité disponible des biens, elle évolue à cause des changements d'opinion, des déplacements des goûts et des besoins.

Si l'un des échangistes désirent plus intensément un bien, le prix relatif de ce bien dans l'échange augmente par rapport à celui de tous les autres. L'évolution du prix relatif d'un bien est la conséquence de la variation de l'appréciation subjective de l'échangiste. Celui qui découvre un procédé de fabrication permettent de produire un bien à moindre coup, c'est à dire en utilisant moins de facteur de production. Il sera disposé à en céder plus un plus grand nombre: son prix relatif diminue.

Si le prix de la monnaie change, pour les deux biens: monnaie et marchandise, on pourrait facilement mesurer la valeur de la monnaie. Si pour 1g d'or on obtient 2kg d'une marchandise alors qu'avant on obtenait 1kg, il y a une appréciation relative de la monnaie qui a gagné du pouvoir d'achat.

Si la fonction de la monnaie est d'être une réserve du pouvoir d'achat alors qu'elle joue son rôle en s'appréciant. Lorsque le pouvoir d'achat de la monnaie diminue, c'est à dire avec l'inflation, à partir du moment où on considère que l'utilité de la monnaie repose sur la capacité à préserver le pouvoir d'achat, l'inflation affecte l'utilité de la monnaie.

L'épargne est un choix réel correspondant au renoncement à des satisfactions actuelles au profit de satisfactions futures. Quand Robinson est seul, l'épargne et l’investissement sont confondus. Dès lors que Robinson peut échanger, il peut prêter son épargne, l'épargne et l'investissement sont dissociés. Il n'y a pas de raison particulière que l'investisseur ait pu dégager une épargne préalable suffisante.

Le recours à l’emprunt d'épargne permet à l'investisseur de réaliser des projets qui sans cela aurait pu être ajourné et l'investissement n'est réalisé que si son rendement escompté dépasse la valeur des satisfactions auxquelles il faut aujourd'hui renoncer, c’est à dire la préférence pour le présent.

Pour neutraliser cette préférence, il faut un intérêt sur l'épargne empruntée. Puisque les investissements qui sont faits d'abord correspondent aux projets les plus rentables, il arrive un moment où le rendement escompté est juste égal aux taux d'intérêt. L'investissement et l'épargne auront atteint le niveau optimal. Cette épargne peut être offerte contre le droit de propriété ou le titre de créance. La première varie avec la rentabilité attendue du capital parce que la rémunération des fonds propres dépend des résultats de l'entreprise.

La seconde est que l'offre de fond prêté augmente avec le taux d'intérêt qui dédommage l'engagement du renoncement à la liquidité. La monnaie facilite l'échange indirect, elle doit présenter deux caractères: être liquide, conserver la valeur, c'est à dire le pouvoir d'achat. Cette capacité à conserver le pouvoir d'achat n'est pas réservée à la monnaie.

Les titres et les actifs réels eux-aussi sont des actifs de pouvoir d'achat, mais la monnaie est plus liquide. Elle peut s'échanger contre n'importe quel bien alors qu'un titre est normalement échangeable sans coup d'information ou autres biens spécifiques. Les titres présentent un avantage: ils sont rémunérés par un intérêt. La monnaie offre les mêmes services: le rendement, les liquidités, mais la proportion variable est différente. La monnaie est le plus liquide des actifs.