A Rome, il existe un contrat qui est classé par facilité dans le contrat formel : le nexum qui est sans doute le premier contrat à Rome. Le nexum fait naître une dette, c’est à dire un créancier et un débiteur dont la solennité utilisée va soumettre la personne du débiteur à la puissance du créancier si la dette n’est pas payée. Il y a à la fois puissance sur la personne et formalisme de la créance. On pense que lorsque la dette n’est pas payée, le créancier accordait au débiteur 60 jours pour payer, sinon, il y a une mise à mort ou esclavagisme. Au 5e siècle avant J.C., une loi réforme le nexum d’origine c’est à dire que le créancier doit passer par un jugement pour pouvoir se saisir de son débiteur, il n’y a plus d’intérêt, on se détourne du nexum et on se reporte vers le contrat verbal par excellence : la stipulation.

Section 1 : Le contrat verbal de stipulation est un « moule à contrats ».

§1. La stipulation se fait par un échange solennel de question et de réponse.

A.    Les paroles du créancier et du débiteur doivent strictement concorder.

1.     Le verbe utilisé entre les citoyens romains est le verbe spondere (spondesne ? spondéo : Promets-tu de me donner une telle chose ? oui, je promets) : la stipulation est appelée sponsio. Puis la stipulation est permise aux étrangers, c'est à dire aux pérégrins. Le verbe utilisé sera le verbe fide promittere : la stipulation est appelée fide promissio.

Le créancier pose la question au futur débiteur, une personne a promis uniquement : c’est le débiteur qui s’engage. Le créancier ne fait aucune promesse. Dès l’origine, il y a un lien de droit qui peut se former entre un débiteur et un créancier, le débiteur s’engageant à donner quelque chose au créancier. Ce contrat verbal apparaît comme tellement utile qu’on va l’accorder aux étrangers qui sont à Rome et qui en ont besoin, or comme ce ne sont pas des citoyens romains, ils vont utiliser un autre verbe : le fide promittere, mais il fonctionne de la même façon que pour les citoyens avec un créancier et un débiteur.

2.     La stipulation sert à des promesses de nature très diverses.

Le vocabulaire utilisé sera à l’origine lié à des sommes d’argent. Il reste essentiel des stipulations. Une personne prête de l’argent à une autre et exige que la personne qui reçoit s’engage à restituer. Ensuite, on va inclure dans l’idée de la promesse tout un ensemble d’opérations économiques fondé sur la constitution, également sur le paiement d'un prix.

On peut y inclure des opérations semblables à la vente, on y inclut des donations de somme d’argent, comme le statut des personnes et le même que celui des choses, on va y inclure des promesses de s’établir en créant les sponsalia (fiançailles). Il y a une indemnisation pour la rupture de contrats qui intéresse les citoyens romains. La stipulation est « un moule à contrat », on y intègre toutes les promesses sur le bien et les personnes. Les romains ont essayé de découvrir l’origine de la stipulation du contrat verbal. Il dérive d'un formalisme plus ancien existant dans le domaine religieux : l’origine est liée au serment religieux (que l’on retrouve dans le sacrementum qui entraîne des obligations : une personne s’engageait devant dieu. Ce changement est acquis sous la procédure formaliste : le 4e siècle avant J.C. où il va servir pour l’engagement civil.

B.    Le passage à l’acte écrit de stipulation se fera très tardivement.

1.     Il est précédé par un adoucissement du formalisme des paroles.

A l’origine, le latin est obligatoire, on admettra ensuite qu’on peut utiliser le grec : cela étend dans les parties orientales de l’empire Romain : procédure formulaire du 2e siècle après J.C. On admettait un traducteur. On admet aussi la variation dans la chose promise, à l’origine, les deux éléments doivent être rigoureusement semblables. On admet que la stipulation est valable même lorsque les deux chiffres sont différents. Elle est valable pour la somme la plus petite, mais il faut toujours une question et une réponse orale pour la validité du contrat.

2.     L’acte écrit l’emporte, mais en droit, seul compte l’indication du formalisme oral.

Dès le Bas Empire, l’acte écrit va progressivement l’emporter sur l’acte oral. L’écrit est utilisé à titre de preuve du contrat verbal. Les paroles qui ont été dites sont mises par écrit. On veut faire naître une stipulation en rédigeant l’acte écrit qui va remplacer le contrat oral mais l’aspect verbal du contrat ne va pas disparaître. Il faut indiquer par écrit que les paroles nécessaires ont été prononcées. Justinien dans les textes définitifs du 6e siècle montre que la stipulation apparaît comme un acte écrit dans lequel figure la mention « ayant été interrogé, j’ai répondu que » : la conséquence est immédiate et la présence des parties n’est plus requise en fait, mais en droit. Cette présence reste indispensable, c'est à dire qu’on admet pas la stipulation entre absent, c’est à dire entre personne éloignée. Justinien donne un recours en justice. Lorsque l’une des parties peut établir que l’autre n’est pas présente dans les lieux ou l’acte juridique a été passés.

§2. La stipulation est un contrat unilatéral de droit strict.

A.    Les actions en justice diffèrent selon la nature de l’obligation.

1.     La stipulation peut faire naître une obligation certaine.

Celle-ci est une obligation de dare (donner), qui peut être soit le transfert d’une somme d’argent, soit le transfert d’une chose certaine (déterminée en nature, quantité, qualité) tel que 100 boisseau du meilleur blé d’Afrique. Quels sont donc les moyens donnés aux créanciers par le droit romain ? Dans la procédure des actions de la loi, le demandeur utilisera le sacramentum, puis la condictio. Dans la procédure formulaire, la condictio devient une action en justice, elle va se diviser en plusieurs branches qui correspondent à des demandes de somme d’argent ; le demandeur utilisera la condictio qui correspond à la nature de l’obligation : condictio certae pecuniae (condictio spécifique relative à l’argent, procédure permettant de réclamer une somme d’argent certaine) ou condictio certae rei (relative à une chose).

Le créancier obtiendra du magistrat c'est à dire du prêteur la condictio qu’il demande suivant la nature de ce qu’il veut obtenir, mais dans les deux cas, le juge ne pourra pas moduler la condamnation. Nous sommes dans le cadre d'un contrat formel, il y a une même restitution que la promesse, le juge ne peut pas tenir compte de l’intention des parties. Il doit se tenir au formalisme du contrat : contrat de droit strict : le juge doit s’en tenir strictement à la parole prononcée, il ne peut pas moduler la sentence. Ce contrat de stipulation est un contrat unilatéral de droit strict, le juge doit condamner en fonction du formalisme. Le juge ne peut pas faire ce qu’il veut à la fin du procès.

Dans la procédure formulaire, le cœur de la formule est l’intentio qui sera rédigé toujours de façon certaine : la cause du procès ne sera jamais indiquée dans la formule. Il n’y aura jamais de démonstratio : des actions sans démonstratio sont des actions abstraites. Il n’y a jamais de démonstratio dans la formule, la condictio ne s’applique en tant qu’action en justice qu’au contrat unilatéral.

2.     La stipulation peut faire naître une obligation incertaine.

Celle-ci est une obligation de dare, lorsqu’il manque un élément déterminant relative à la chose (qualité ou quantité). Dans certains cas, ce peut être avec une obligation de faire ou de ne pas faire. Il y aura une action en justice, il va lui falloir une action nouvelle car on va devoir insérer la cause de la formule, c’est à dire la démonstratio. On ne peut pas utiliser la condictio : la stipulation incertaine sera sanctionnée par l’action ex stipulatu, le juge ne peut pas moduler la sentence. L’intentio sera rédigé de façon incertaine. L’action ex stipulatu n’est pas une action abstraite tout en restant une action de droit strict puisque le juge ne peut pas moduler la sentence. La formule comprend une démonstratio.

B.    Les aménagements liés à la prise en compte de l’intention.

1.     A l’origine, le juge ne peut tenir compte de l’intention et de la mauvaise foi : l’exécution libère le débiteur.

Le juge, même s’il reconnaît la mauvaise foi des parties ne peut en tenir compte, c’est l’inexécution du contrat qui libère le débiteur. C’est le cas de la promesse de livraison d'un esclave. Le juge ne peut rien faire s’il y a mauvaise foi. Or au fur et à mesure que cette société romaine prend en compte les mentalités des parties, on trouve anormal d’être tenu d’exécuter quand il y a une fraude : la jurisprudence va imaginer quelque manière d’adoucir les conséquences.

2.     Les remèdes de la pratique.

a.     La clause de dol.

Trouver un remède à la fraude du débiteur, comme on ne peut changer une stipulation initiale, on introduit une seconde stipulation ou le débiteur va promettre sa bonne foi dans la clause de dol qui va permettre au juge de prononcer une condamnation sur la base de stipulation annexe, à rendre aux créanciers la contrepartie de la fraude qui a été faite.

b.     L’exception d’argent non versé.

On dit aussi la querela non numeratae pécuniae : le créancier réclame une somme d’argent qu’il n’a pas reçu, lorsque le débiteur veut alléguer que l’argent n’a pas été versé, le prêteur va renverser la charge de la preuve par une exception qui sert à repousser la demande du créancier et les donner à un défendeur : l’exception d’argent non verser qui va permettre de repousser le créancier, mais pas définitivement, elle devra apporter la preuve de qui a apporté l’argent en usant des témoignages et des écrits. A partir des possibilités, on voit que les prêts d’argent à Rome se font toujours devant témoins ou par adaptes écrites qui vont faire foi en justice et qui vont permettre de simplifier les procédures romaines. On arrive à une protection, le débiteur créancier qui explique que la stipulation correspond à l’équilibre entre les droits de chacun. Justinien va dans le Digeste expliquer cela et laisser en place le contrat litteris car il en a eu besoin pour le Digeste.

Section 2 : le contrat litteris se forme par l’écriture.

§1. Les deux fonctions successives de l’écriture.

A.    Elle sert de preuve : le père de famille inscrit les recettes (accepta) et les dépenses (expensa) sur un livre.

Le livre est un registre qui est tenu par mois, on recopie à la fin du mois le brouillon et on va mettre le bilan qui permet d’établir le budget de la famille. On inscrit de façon détailler le nom des personnes qui ont reçu l’argent s’il y a des recettes ou à qui on a payé une dette s’il y a des dépenses ; le but de l’opération (prêt, dette, constitution de dote). Il y a sur ces pages successives la preuve des opérations par écrit. Il n’y a pas de création de contrat par l’écriture : c’est une réalité économique et pendant longtemps les romains ne songent pas à former des opérations juridiques, c’est uniquement pour prouver.

B.    Elle forme le contrat.

1.     L’écriture peut servir à créer une dette (expensilatio) ou l’éteindre (acceptilatio).

L’écriture va avoir un effet créateur d’obligation. Dans certains cas, il n’y a pas de transformation du rôle de l’écriture. Quand il s’agit de créer une dette, l’expensilatio devra être payée au contraire, pour éteindre une dette, ce sera l’acceptilatio. Dans les deux cas de figure, l’écriture est une simple preuve.

2.     Les contrats littéraux des provinces grecques de l’empire : le chirographum et la syngrapha.

On retrouve deux graphies : le chirographum (acte écrit à la main qui existe que dans les provinces grecques de l’empire en un seul exemplaire) ou la syngrapha (écrit rédigé en plusieurs exemplaires). Il est possible de diversifier les parties et permettre les contrats entre absents. Ils ont eu une influence sur la technique romaine et la transformation de l’écriture en mode de création d'une obligation nouvelle.

§2. Le mécanisme en deux temps du contrat litteris.

A.    Il éteint un droit et en crée un autre (technique de novation).

1.     Il peut servir à mettre un débiteur à la place d'un autre, à changer une obligation de bonne foi en une obligation de droit strict.

Le contrat dit littéris a un effet d’extinction puis de création. C’est l’exemple qui permet de mettre un débiteur à la place d'un autre. Jean me doit 100FF à ce débiteur, je veux substituer un autre débiteur Pierre, je vais inscrire sur le registre un paiement fictif de mon débiteur initial Jean : acceptilatio et en face j'inscris un prêt fictif à Pierre : expensilatio. Il y a dès lors suppression de la dette de Jean et naissance de la dette à la charge de Pierre qui apparaît de l’écriture, de l’inscription sur le registre : la novation.

De même, on peut transformer une obligation synallagmatique en une obligation de droit strict avec un créancier et un débiteur. J’inscris sur le registre un paiement fictif ou vente : acceptilatio et en face, j’inscris un prêt fictif à une seule personne : expensilatio et j'obtiens l’effet créateur par l’expensilatio : c’est la technique de la novation : création d'un droit par l’écriture.

2.     Il fait naître une obligation de droit strict qui s’intente par le sacramentum, puis par la condictio, enfin par la condictio certae pecunae.

L’avantage du système est la protection en justice : le contrat littéris donne toujours naissance à une obligation de droit strict, le juge sera obligé de condamner strictement à la chose qui a été promise et ne tient pas compte des circonstances. Dans une obligation synallagmatique, le juge a plus de libertés pour prononcer la sentence, le créancier est mieux protégé. Les romains ont utilisé la procédure ordinaire, on utilise le sacramentum puis la condictio. Sous la procédure formulaire, on utilise la condictio certae pecunae (créance et dette en argent).

B.    Le domaine résiduel de l’obligation litteris sous Justinien.

Dans le Digeste, Justinien conserve la mention d'un contrat litteris, il y a une possibilité de créer un contrat par l’écriture. L’exemple est un acte écrit qui a été rédigé entre partie : une partie reconnaît être débitrice or la somme d’argent ne lui a pas été versé : dans ce cas on peut opposer aux prétendus créateurs la querella non numeratae pecunae. Si on ne fait pas dans deux années, la dette existe réellement, elle est formée par l’écriture : reconnaissance de dette et plus aucune possibilité en justice pour ne pas honorer la créance.

En réalité, pour l’application du contrat littéris au 6e siècle, nous sommes dans la province orientale de l’empire. Justinien construit le digeste suivant un plan en 4 parties : 4 sources de formation pour le contrat et la classification en 4 parties : 4 sources d’obligations contractuelles et obligations par l’écriture. Pour lui, il ne faut pas ajouter la classification quadripartite qui l’amène à conserver une possibilité de contrats nés de l’écriture.