LA SEDIMENTATION INSTITUTIONNELLE

 

I. La raison de ce phénomène.

Il est difficile d'évoquer le caractère complexe, inextricables des institutions françaises à la fin de l'Ancien Régime très critiqué au moment de la Révolution et très réel. La monarchie a crée tout au long de son histoire de nouvelles institutions répondant à des besoins nouveaux mais sans faire détruire les anciennes par révérence pour le passé. 

Le respect par la monarchie des particularismes locaux, malgré les progrès de l'absolutisme politique relayés par la centralisation administrative, la monarchie dans l'ensemble respecte le particularisme de chaque région pour faciliter l'intégration de nouveaux pays, les régions actuelles, dans le domaine royal de l'ensemble français. La politique pragmatique des capétiens fait qu'il n'y a pas dans la monarchie de vrai plan d'ensemble de réforme, il n'y a pas d'idée relative à la rationalisation administration, à l'uniformisation des institutions. 

II.    L’exemple de la justice.

Rendre la justice est une prérogative régalienne, les capétiens ont réussi assez tôt à imposer le principe selon lequel toute justice émane du roi. C'est un attribut symbolisé au moment du sacre par la remise de la justice par le Pape. Cette reprise en main par le Roi s'est faite au détriment des juridictions qui s'étaient développées durant la féodalité. Ainsi on limite les compétences de la justice seigneuriale. De même, il y avait une justice municipale retirée par l'édit de Moulins de 1566 tandis que l'édit de Saint Maur de 1580 retire certaines compétences criminelles. 

Il y a en plus un justice ecclésiastique qui a des compétences réduites dans biens des domaines. Les ecclésiastique ont seuls des officialités diocésaines c’est à dire la compétence unique sur le mariage. Pour le pouvoir royal, il y a l'appel comme d'abus qui peut être exercé devant les parlements. Enfin, il y a le déploiement de fonction de justice du roi pendant tout l'Ancien Régime, mais le roi ne peut tout juger lui-même. Il y a 2 types de justice: la justice retenue et la justice déléguée.

1.     La justice retenue.

Le Roi exerce lui-même la justice. Il est possible de remettre au Roi des placets qui sont des documents écrits dans lesquels un justiciable expose directement au Roi les principaux éléments d'une affaire le concernant et demande au Roi de trancher le problème. 

Il y a aussi des lettres de cachet illustrant la justice retenue par le roi. Les lettres de cachet contrairement à la patente sont closes, signées par le Roi, contresignées par l'un des secrétaires d'état dont l'objet est selon le cas d'exiler ou d'emprisonner ou libérer telle personne. Il existe une légende noire des lettres de cachets développées peu avant et pendant la Révolution, colportée au fil des générations. Les lettres de cachets témoignaient de l'arbitraire royal. 

Aujourd'hui, il existe des études historiques sur ces lettres à la fin de l'Ancien Régime grâce aux archives des prisons d'état. Même si les motifs religieux, politiques ont existé surtout avant le règne personnel de Louis XV, à la fin de l'Ancien Régime, environ 80% des lettres de cachet sont demandées par les familles et non une autorité quelconque, mais dans la grande majorité des affaires familiales. Les lettres de cachet expriment une sorte d'autorité, de justice paternelle au Roi; un certain secret doit être respecté. 

En matière de justice paternelle, les peines infligées sont souvent la prison, mais elles sont plus clémentes que celles prononcées par la justice de droit commun. Les lettres de créance sont abolies par la Révolution mais on institue des tribunaux de familles au début de la Révolution qui prolonge ce type de justice. 

Les lettres de cachet sont toujours délivrées après une enquête minutieuse menée soit par les intendants, dans les généralités ou provinces, soit par le lieutenant général de la police dans la capitale. La durée de détention est variable d'un officier à un autre mais elle est généralement brève car de 1776 à 1784, elle est pour 82% des cas inférieure à 5 ans. 

Le Roi peut procéder à un règlement de juge, il peut trancher un problème de conflit de compétence des tribunaux. Il peut modifier les règles normales de compétence et faire juger des affaires dites sensibles politiquement par des commissaires. Il peut également procéder à l'organisation des grands jours c’est à dire envoyer dans une province agitée des juges particuliers qui vont essayer d’apaiser la situation locale en jugeant. Il peut évoquer une affaire devant son conseil c’est à dire retirer une affaire à une juridiction de droit commun pour la juger lui même dans sa propre juridiction, comme un pourvoi en cassation devant le conseil du roi. De même relève de la justice retenue, les différentes catégories de lettres de grâce qui peuvent être accordées par le Roi telles les lettres de réhabilitation, de rappel de Ban, ou rappel d'exil, rappel de galère, commutation de peine qui permettait d'adoucir ou d’aggraver une peine tel Fouquet en 1661. 

2.     La justice déléguée.

C'est le fait de charger les juges de remplacer le Roi. A la fin de l'Ancien Régime, les juridictions de droits communs sont organisées. Au degré le plus bas se trouvent les Prévôtés, qui à l'origine ont une compétence très large en matière civile et criminelle sauf pour les matières royales tels que les cas royaux et les affaires concernant les nobles; le jugement s'effectue par les pairs. 

Il y a ensuite les tribunaux de bailliage ou tribunaux de sénéchaussée. A la fin de l'Ancien Régime , ils sont présidés par un lieutenant général assisté d'un lieutenant particulier pour les affaires civiles et d'un lieutenant pour les affaires criminelles en matière pénale, il y avait aussi des conseillers. La compétence est soit au premier degré pour les nobles et cas royaux, ou soit en appel pour juger des sentences rendues soit par les prévôts soit par les justices seigneuriales voire les jugements rendus par les justices municipales si elles existent à cet endroit. 

Il y a également les présidiaux créés au milieu du 16e siècle pour désencombrer les parlements, ils ont une compétences en dernier ressort pour les affaires civiles dont l'objet ne dépasse pas 250 livres. Si c'est supérieur le dernier ressort s'effectue devant les parlements. 

Il y a donc enfin les cours souveraines, parlements essentiellement en matière juridictionnelle des tribunaux d'appel. A la fin de l'ancien régime il y a 17 parlements ou assimilés. Chaque parlement a son organisation interne qui a été copiée pour nos cours d'appels. Il y a un premier président, un président pour chaque chambre, des conseillers, le ministère public qui sont les gens du Roi sous l'Ancien Régime  et qui comprend un procureur général et des substituts et avocats généraux. 

Il y a des juridictions d'attributions dites souveraines tels les cours des comptes, elles étaient 13 sous l'Ancien Régime spécialisées dans les affaires financières, elles vérifient tous les comptes des officiers royaux et veillent à la conservation du domaine royal. 4 cours des aides en matière de contentieux fiscaux, 1 cour des monnaies. Il y a aussi des juridictions non souveraines: les juridictions des eaux et forêts, les juridictions fiscales avec le bureau des finances d'élection, les juridictions commerciales avec les affaires des commerçants, les juridictions consulaires avec les affaires maritimes des amirautés , les juridictions de police avec les prévôts, maréchaux et connétables, justice efficace et expéditive :"aussitôt pris, aussitôt pendu". On trouvait finalement les grands prévôts de France et les lieutenants de police de Paris créés par Louis XIV et qui règne en matière de justice criminelle sur Paris et sa banlieue.