Les romains à l’époque archaïque n’ont pas encore l’idée de classification. La loi des XII tables énumère un certain nombre de droit avec leurs sanctions pour que les tribunaux puissent appliquer cette sanction. Après cette loi des XII tables, il y a le souci de regroupement dans les délits autours des idées d’atteinte à la personne, atteinte aux biens. Le premier cas, le délit principal est l’injuria ; dans le second cas, le délit est contre les biens : furtum ou damnum injuria datum. 

Section 1 : l’atteinte à la personne ou injuria est l’un des plus anciens délits privés du droit civil romain.

§1. Dans la loi des XII tables, sa sanction est révélatrice de l’évolution des délits privés à Rome.

A.    Le délit privé est d’abord sanctionné par un acte de vengeance privée ou une composition volontaire.

1.     C’est le cas pour les actes de sorcellerie ou les chants maléfiques (malum carmen et occentatio) : peine du talion.

A l’origine, c’est faire mourir quelqu’un et le faire mourir par des moyens maléfiques (sorcellerie, magie, chants) : atteindre la personne dans son existence et la détruire. On admet dans ce cas que la peine soit rigoureusement identique : la peine de mort correspond au Talion (peine régulièrement identique).

Cette peine exprime la conception d’origine du délit privé. Un délit privé a porté atteinte à des intérêts privés, menacé des personnes particulières et entraîne pour la victime et ses ayants-droit la possibilité d’obtenir comme réparation la mort de l’autre individu (textes : « causer à l’autre un tort équivalent »).

Pour le délit public, il y a atteinte à des intérêts collectifs donc de la cité, il y a lésion de l’intérêt général : la criminalité (délit public) est peu nombreuse à l’origine de Rome. Apparaît d’abord la trahison envers la cité, le sacrilège ou la trahison envers les dieux, l’incendie volontaire des récoltes, le meurtre d'un père de famille (le parricidium : disparition d'un culte familial : atteinte aux dieux).

Donc il y a 4 délits publics sanctionnés devant les tribunaux répressifs de l’époque (tribunaux populaires) parce que c’est le peuple qui juge (populus). Pour les délits privés, ce sont les tribunaux civils qui ont compétence (même que ceux jugeant de l’inexécution des contrats avec les mêmes règles de procédure : maintien de la notion de délit dans le code civil).

2.     Le membre rompu (membrum ruptum), ou lésion corporelle grave qui entraîne la peine du talion ou la composition volontaire.

La seconde étape est la lésion corporelle grave. Il y a eu selon les textes des membres rompus : atteinte à la personne sans la faire mourir en provoquant chez elle une incapacité l’empêchant de jouer son rôle économique dans la famille. Si la victime le souhaite, elle peut infliger à l’auteur du dommage un tort équivalent : le talion.

Mais assez vite, apparaît l’idée qu’à la place du talion, on peut obtenir une réparation en argent : la composition (volontaire dans ce cas-ci). Si la composition est volontaire, elle est liée à l’entente des parties : volonté d’obtenir une compensation en argent. La vengeance privée n’est plus la seule solution accordée à la victime, on parle alors du pardon de la victime du fait de la disparition de la sanction et de l’apparition des sommes d’argent. Le montant est librement débattu entre les parties, ainsi que les conditions. Il n’y a aucun pouvoir de l’état.

B.    Le délit privé est ensuite sanctionné par une composition légale.

1.     C’est le cas pour la lésion corporelle plus bénigne (os fractum), punie d’une amende variable.

C’est la 3e évolution quant à l’atteinte aux personnes, elle concerne l’atteinte corporelle moins grave : l’incapacité temporaire est moins dommageable dans les conséquences économiques : l’os fractum. La loi des XII tables prévoit alors le montant de l’indemnisation donnée à la victime. Le statut social de la victime entre en compte pour la réparation. L’unité monétaire est l’as. 300 as pour une victime livre, 150 as pour un esclave.

Déjà à cette période, la cité romaine est en situation d’imposer le cas des atteintes corporelles bénigne une réparation aux deux parties. Après la loi des XII tables, l’état romain va pouvoir établir une classification des délits et des sanctions pécuniaires correspondant. Les parties ne peuvent plus négocier. Le montant est imposé aux deux parties.

Cette somme d’argent est la poena (donnera son nom à l’action pour tenter de l’obtenir : action pénale devant les tribunaux civils : action pénale une réparation, une peine). L’action pénale apparaît au moins au 5e siècle avant J.C. Elle est certainement très antérieure. Vers 451, il y a une composition volontaire légale.

2.     L’injuria proprement dite, ou violence légère, est sanctionnée par une amende fixe.

Dans la loi des XII tables, l’injuria correspond à la violence légère ne causant aucune lésion corporelle grave (ex : gifle). La sanction par une poena est de 25 as (si on est un homme libre). Avant la loi des XII tables, l’injuria est un terme qui a un sens beaucoup plus large que celui de la violence légère. A l’origine, cela désigne tout acte accompli sans droit et certainement antérieurement tout acte accompli sans les formalités nécessaires (rituel obligatoire) donc contraire aux dieux.

L’injuria va donc servir à qualifier l’atteinte à la personne, le délit privé d’injure, à l’origine est sanctionnée par une poena importante sur le plan économique. Avec l’introduction de la monnaie et les échanges, ainsi que l’inflation monétaire, 25 as est une somme de plus en plus faible. C’est un scandale qui va faire évoluer le délit : intervention du prêteur pour créer une action en justice : création de l’action d’injure (actio injuriam) à la suite d’une histoire d'un chevalier qui à Rome se promener avec un domestique et gifler tout le monde.

§2. L’action d’injures (actio injuriarum) sanctionnera les atteintes à la personne physique puis morale.

A.    L’action prétorienne d’injures.

1.     Elle reste marquée par l’idée de vengeance privée.

C’est l’idée d’une action en justice pour réclamer cette action d’injures : l’action est personnelle comme toute action pénale (nom de la personne dans la formule). L’acte incriminé doit être précisément décrit pour apprécier le degré d’atteinte à la personne. La réparation sera fixée par un collège de juges : les récupérateurs. Ils doivent apprécier en argent le degré d’atteinte. L’actio injuriam devient une action estimatoire d’injures.

La condamnation entraîne toujours la peine de l’infamie contre l’auteur de l’injure. Cette action pénale entraîne une obligation de délai. La victime a un an pour intenter l’action. Après, on considère qu’elle peut ne pas poursuivre l’auteur. Le délai est court car en matière pénale, il doit y avoir une mise en cause immédiate de l’acte incriminé.

Au bout d'un an, l’action doit être intentée et on ne peut au delà intenter une action qui serait un trouble à l’ordre public. L’action pénale est intransmissible aussi bien aux héritiers de la victime que ceux de l’auteur : l’action est éteinte avec la personne. Il y aura d’autres moyens de recours (rei persécutoire). Dans le droit romain, l’action pénale brève est destinée à clore une situation préjudiciable à la personne.

Le droit romain n’a pas accepté la vengeance contre la famille toute entière. Il n’y a pas de poursuite du clan familial, la vengeance privée ne s’exerce que contre un individu. L’esclave peut-il être poursuivi au pénal ? Il ne peut être rendu responsable au civil dans le cadre des contrats mais en pénal, c’est le contraire, s’il commet un délit on peut le poursuivre en tant qu’esclave, le maître n’est pas responsable.

2.     Elle pourra être utilisée de plus en plus largement.

A l’origine, l’action d’injures est une action physique destinée à réparer des torts physiques. On admettra ensuite les atteintes morales (réputation, honneur) à la personne ou à sa famille sous sa puissance. Toute forme d’atteinte directe ou indirecte est susceptible de poursuites. L’action est utilisée s’il y a une atteinte à l’ordre public (tumulte, propos publics injurieux) : les victimes obtiennent l’action.

B.    L’action législative d’injures.

1.     Elle est créée par la loi Cornelia de injuriis en 81 avant J.C.

C’est un nouveau texte de loi. Au premier siècle avant J.C., il y a des émeutes politiques à Rome avec les troupes armées qui veulent prendre le pouvoir (crimes et atteintes à la personne). Parmi ces généraux, il y a le général Sylla et ses troupes spécialisées dans les coups et blessures, violation de domicile. L’action prétorienne ne suffit plus à faire face, il y a une nécessité d’une action plus énergique, d’une nouvelle loi avec une nouvelle action d’injures aux modalités différentes. Elle reste identique à l’élément privé d’origine : les poursuites sont réservées à la victime du délit. L’appréciation est confiée désormais à un jury populaire qualifié de jury criminel comme s’il s’agissait d'un délit public. Le délai d'un an subsiste.

2.     L’évolution vers l’injuria délit public.

Sous l’empire, pour la victime il y a deux choix :

*L’action en justice de nature civile engagée devant les tribunaux civil pour obtenir une indemnité en argent évaluée soit par un juge unique, soit par un collège de récupérateurs.

*La voie criminelle : les tribunaux répressifs : jugement du ressort d'un jury criminel. A partir du 3e siècle, il y a une progression et par la volonté de l’empereur, la plupart des injures graves sortent du droit privé pour être classées dans le domaine du droit pénal. Les peines vont évoluer, mais on tient toujours compte de la situation sociale de l’auteur et de la victime. Pour les auteurs issus d’un haut niveau social il y a exil temporaire et pour les esclaves, il y a flagellation (cela n’est plus possible par la suite).

A partir du 3e siècle, l’état s’est emparé de la procédure des délits privés et publics. Certains aspects de vengeance privée subsistent compris sous Justinien. La victime a la priorité dans la poursuite donc la possibilité de ne pas agir et ainsi de donner à l’auteur un moyen de ne pas être poursuivi par la justice.

 

Section 2 : les autres délits privés, le furtum et le damnum injuria datum, sont des atteintes aux biens.

§1. Le furtum est imparfaitement traduit par la notion actuelle de vol.

A.    l’origine, le terme furtum désigne la chose dérobée et le seul but est de la retrouver.

1.     La chose est trouvée sur le voleur : c’est le flagrant délit (furtum manifestum) du très ancien droit romain. Le voleur en répond sur sa personne. L’assimilation au vol manifeste dérive de la perquisition « avec le plat et le caleçon » (lance et licio).

Ce qui compte, ce n’est pas le voleur, c’est la chose volée. On recherche la chose, on la trouve sur une personne ce qui entraîne que le vol est manifeste : flagrant délit dont le voleur doit répondre sur sa personne. Le voleur peut être mis à mort immédiatement par le volé, cette personne n’ayant pas besoin de recourir à un magistrat quand la volonté manifeste a lieu dans des circonstances aggravantes (nuit, vol à main armée) : il peut y avoir vengeance privée.

Si le vol à main armée a lieu le jour, la coutume exige que la victime du vol appelle ses voisins par des cris et les prenne à témoins du vol avant de tuer le voleur. Dans ces cas de figure, il n’y a pas de prise en compte d’autre chose que de la manifestation du vol, il y aura des possibilités différentes quand le vol aura été accompli sans circonstances aggravantes.

Si le vol est manifeste (la chose est trouvée sur le voleur), simple, durant la journée, l’exercice de la vengeance privée est soumis au contrôle du magistrat, mais il n’y a pas de procédures judiciaires, il n’y a pas d’action en justice. On va chercher le prêteur pour qu’il soit témoin que la chose a été trouvée sur la personne. Il y a dès lors sanction mais le statut de la personne est déterminant.

En effet, si c’est un homme libre, il est fouetté publiquement et adjugé par le magistrat au volé qui le traitera comme un débiteur insolvable. Le voleur peut parfaitement s’entendre avec le volé sur une somme d’argent (rachat de la personne pour se soustraire à l’esclavage ou à la mise à mort). Si c’est un enfant ou un impubère, il est fouetté publiquement et le père devra réparer le dommage. Enfin, si c’est un esclave, il est flagellé puis jeté du haut de la Roche Tarpéienne pour qu’il s’empale sur les lances des soldats. S’il échappe aux lances, il est considéré comme épargné.

Ainsi, il y a une assimilation du vol manifeste, il y a la même peine que ce dernier dans le cas ordre moral on trouve la chose dans la maison du voleur : la perquisition est possible et elle est autorisée par la coutume : perquisition « avec le plat et le caleçon ». On ne peut perquisitionner que si on s’est dévêtu et avec un plat (idée que le plat va refléter la personne du voleur et la chose). Cela autorise à pratiquer la même vengeance privée et donc l’assimilation de la chose trouvée dans la maison à la chose trouvée sur le voleur.

2.     En cas de vol non manifeste (furtum nec manifestum) la composition est légale. L’action en justice dont dispose la personne à qui une chose a été dérobée est l’actio furti. Il existe d’autres actions furti pour d’autres cas : actio furti concepti et actio furti oblati.

C’est le cas opposé du flagrant délit : le droit sur la personne du voleur est écarté. La personne volée doit intenter une action en justice : l’action furti. Il faut établir le délit lui-même précisément. L’action sera pénale, elle permettra à la victime d’obtenir une indemnisation au double de la valeur de la chose volée. Le droit romain donne l’action au propriétaire de la chose et quelquefois au possesseur et même au simple détenteur : l’action informante contre le voleur et les complices.

Il existe en plus de l’action furti ordinaire, d’autres actions furti complétant la première et permettant la sanction de la détention de la chose volée. C’est le cas où la chose est trouvée chez un receleur : action furti concepti qui permet de condamner au triple de la valeur de la chose. Il y a une même condamnation quand on utilise l’action furti oblati : quand il y a eu oblation (on offre la chose) et qu’on peut prouver qu’il s’agit de la chose volée, cela entraîne des poursuites de la personne offrant la chose, même si ce n’est pas le voleur.

A cette époque classique, le droit sur la personne du voleur existe encore dans un cas particulier : le vol commis par un aliéni juris. Dans ce cas, le père de famille paiera à la place de son fils, mais s’il ne veut pas payer, le père peut pratiquer envers l’aliéni juris l’abandon noxal par émancipation. L’aliéni juris appartient désormais à la personne volée et il le traite dès lors, comme un débiteur insolvable. Dans la loi des XII tables de 451, l’abandon noxal est déjà indiqué comme possible en matière de vol non manifeste.

B.    Dès l’époque classique, le furtum recouvre la soustraction ou l’usage frauduleux de la chose d’autrui.

1.     La notion de détournement de la chose (contrectatio) est au centre de la définition du furtum. Il existe trois cas de détournement : furtum réi - furtum usus - furtum possessionis.

A l’époque classique (2e siècle avant J.C.) les juris consultes vont s’efforcer de donner une définition du furtum. C’est l’idée de détournement de la chose (contrectatio). On distingue différents furtum à partir de l’idée de détournement. Il y a une soustraction de la chose elle-même : furtum réi qui correspond à la notion de vol reprise dans le droit français postérieurement. Mais le droit romain est plus large : le vol correspond au détournement de l’usage d’une chose : le furtum usus. Le furtum usus existe dans les cas où la chose ne devrait pas être utilisée par le détenteur. Il y a deux exemples : le dépôt et le créancier gagiste.

Pour le furtum possessionis qui correspond au vol de la possession ; on le trouve dans le cas du gage, le fait pour le propriétaire de la chose de reprendre la chose avant d’avoir acquitté la dette donc avant l’échéance du gage. En droit classique, il y a un large éventail de possibilité pour obtenir l’action furti. A l’époque classique, il y a une introduction de la notion de vol de la vente faite par un locataire de l’immeuble qu’il habite : vol des immeubles admis et fait par un détenteur de la chose, dès 1er siècle avant J.C., extension trop large : retour en arrière, le furtum ne s’applique qu’aux meubles, mais pendant un siècle (2e et 1er siècle avant J.C.), le vol des immeubles est possible en droit romain et à entraîner des développements juridiques.

Pour qu’existe un furtum, la soustraction doit être faite dans une intention de s’enrichir. Au 1er siècle après J.C., il y a l’idée d’animus : notion admise au 2e siècle après J.C. Quand il y a vol, il s’agit d’une volonté coupable : la volonté de lucre (désir de richesse) : animus lucrandi. A la fin de l’époque classique, on a une définition complète du furtum : soustraction de la chose d’autrui dans l’intention de faire un profit : s’emparer de la chose d’autrui sans animus lucrandi : il y a pas de volonté, donc pas d’action furti. Dans le bas empire, l’animus était prépondérant et progressivement, le vol sort du délit privé pour entrer dans la conception du délit public.

2.     Les actions en justice sont de deux natures et peuvent se cumuler.

a.     Les actions pénales privées.

Au 2e siècle après J.C., il reste les actions qui existaient jusque-là (action furti au double, action furti concepti (recel) et action furti oblati (offrande de la chose volée)). Il y a des changements sur la personne du voleur. Il n’a plus le droit de mettre à mort le voleur sauf au cas de légitime défense (à prouver). Pour le vol manifeste, il y a une possibilité de tuer les voleurs qui est remplacée par l’action furti manifesti (sanction au quadruple). Or la chose est essentielle.

b.     Les actions réipersécutoires.

Dans le cas du furtum, elles ont pour but de retrouver la chose elle-même, pour le propriétaire d’en retrouver la puissance par l’action en revendication de la chose (action réelle mais qui a pour inconvénient de faire la preuve de la propriété difficile à faire en droit romain). Ce dernier va donc faciliter la position du volé en accordant une action personnelle permettant au volé de se présenter en justice comme le créancier de sa propre chose.

Ainsi, il s’agit de protéger contre les voleurs (ordre public) : exception dans le raisonnement juridique. On va s’appuyer sur l’idée de l’enrichissement injuste : la condictio est accordée par le prêteur (condictio indeliti) permettant d’obtenir la valeur de la chose qu’on va soit préférer à la chose elle-même, ou à la valeur de la chose si elle était déjà sortie des mains du voleur ou bien si l’insolvabilité est liée au vol.

L’action réi persécutoire est transmissible (donc pour les héritiers du volé contre les héritiers du voleur, il y a restitution de la chose, soit indemnisation couvrant au moins la valeur de la chose). A partir du 3e siècle, les juristes donnent le choix à la victime du vol entre toutes les actions pénales privées et une action criminelle de vol intentée devant les tribunaux répressifs et jugé par un jury populaire : résultat différent.

Au 4e et 5e siècle, les textes législatifs font sortir peu à peu les différentes catégories de vols. Sous Justinien le vol est devenu dans la plupart des cas un délit public.

§2. Le damnum injuria datum est l’origine lointaine de l’article 1382 du code civil.

A.    Le damnum injuria datum recouvre les dommages causés aux biens d’autrui.

1.     Mais sans intention de lucre, ce qui le différencie du furtum.

Le furtum contient l’intention de s’enrichir. Le damnum injuria datum ne contient pas l’intention de s’enrichir.

a.     Le damnum injuria est né avec la loi Aquilia, peut être en 287 avant J.C.

A l’origine du droit romain, il y a des indications dispersées sur un certain nombre de dommages causés à autrui intentionnellement ou non. Pour le droit romain, il y a des sanctions sous forme de compensations légales (sommes d’argent). Selon la loi des XII tables, il y a un certain nombre de dommages indiqués avec leur composition. Ainsi, si on coupe un arbre appartenant à autrui, il y a une sanction de 25 as.

Au 3e siècle, on trouve la loi aquilia : c’est un essai pour codifier et systématiser la notion de dommage à autrui, il y a création d'un délit nouveau destiné à recouvrir ces dommages faits à autrui : le damnum injuria datum. La sanction est l’action en justice : l’action damni. La datum est le fait d’accomplir une action entraînant un dommage. Ce fait a été causé injuria c'est à dire sans droit et à entraîner un damnum c'est à dire un dommage ou un préjudice.

Le fait de l’homme entraîne un dommage qui doit être réparé. La loi aquilia peut être datée de 287 avant J.C. Elle comprend différents chapitres vraisemblablement ajoutés l’un à l’autre à des périodes différentes telles que le 1er et le 3e chapitre. Pour le 1er chapitre, le fait de causer un dommage correspond au fait de tuer (d’abord injuria) les deux choses les plus importantes à Rome : l’esclave et l’animal vivant en troupeaux qui sont les éléments économiques essentiels dans le travail.

Pour le chapitre 3, on généralise davantage en prévoyant la perte partielle et les blessures infligées à certains animaux et esclaves. La loi aquilia avec sa sanction (action damni) s’appliquera quand il y a aura détérioration de la chose d’autrui, destruction partielle de la chose d’autrui soit parce qu’elle est brisée, rompue ou brûlée, il s’agira des choses inanimées, blessures aux animaux et esclaves : le champ d’application est large. Il n’y a pas de généralisation à tout cas de dommages qui peuvent être commis sur des choses.

Le chapitre 2 est relatif au préjudice causé par un créancier accessoire à un créancier principal : rapports d’argent uniquement. Pour le chapitre 2, sorti de la loi aquilia, ce sont de simples rapports financiers qui ne sont pas des dommages quant aux biens. Ils ne relèvent pas de l’action damni : il doit y avoir d’autres actions en justice.

b.     Le dommage doit avoir été causé corpore et corpori.

Le dommage couvert par la loi aquilia doit être illicite. Celui qui tue un esclave en légitime défense ne commet pas de damnum injuria datum. Pour l’action damni, il faut certaines conditions de réalisation du dommage : corpore et corporis. Corpore car le dommage est causé par un acte matériel positif : acte de commission (cet acte doit entraîner un dommage matériel : corpori).

Ce dommage doit atteindre le corps de la victime ou la chose elle-même. Si un animal effrayé par des cris se précipite dans un ravin, se tue, le maître a un préjudice, il ne peut pas en obtenir réparation par l’action damni (pas d’atteinte au corps de l’animal). Cette action damni exige des conditions précises déterminées au cas par cas : action qui n’est pas générale permettant de retrouver en argent le montant du dommage encouru.

2.     Le montant de la condamnation a pour base la valeur vénale de la chose.

On obtient une réparation qui tient compte de la valeur de la chose. Le montant est fixé différemment suivant qu’on se trouve dans le chapitre 1 ou 3 de la loi aquilia. Pour le chapitre 1 : la perte est totale : il y a une réparation qui est fixée à la valeur la plus élevée atteinte dans l’année précédent le délit. Pour le chapitre 3, la perte est partielle ou c’est une blessure partielle ; la réparation est fixée à la valeur de la chose de l’esclave ou de l’animal la plus élevée dans le mois précédent le délit : il y a une différence entre la valeur de la chose détruite par rapport à la valeur vénale obtenue. En ce qui concerne le chapitre 2, la sanction est la poena.

L’action damni a donc été considéré en partie pour cela comme une action pénale, elle avait les caractères des actions pénales en même temps : une année pour l’intenter. Cette action est intransmissible, et au début, l’abandon noxal est possible. En réalité, cette analyse est remise en cause par les romains eux-mêmes sous Justinien (l’action est mixte : caractère de l’action pénale et réipersécutoire). Aujourd’hui, l’action est essentiellement réipersécutoire pour obtenir des dommages et intérêts. La différence de la valeur n’est plus une poena. On considère la valeur obtenue nécessaire au rachat de la chose à sa valeur marchande.

L’action damni reste dans le délits car selon la classification du droit romain au moment du vote de la loi aquilia, il n’y a que des contrats et délits. Pour la loi aquilia on distingue les actes intentionnels des actes non intentionnels d’où la responsabilité civile en droit français. Il y a donc un problème de l’intégration du damnum injuria datum parmi les délits.

B.    L’élargissement ultérieur de la réparation.

1.     En cas de faute au sens d’imprudence coupable. La faute aquilienne est appréciée au niveau de la faute légère (la culpa levissima D,9,2,44).

L’injuria correspond pendant longtemps aux actes commis sans droits entraînant un dommage. Cet acte est commis sans droit et il est apprécié suivant ses résultats, on ne tient pas compte de l’intention. Après le 1er siècle, la notion de faute va s’introduire dans le droit romain dans les contrats et les délits. On tient compte de l’attitude de la personne : appréciation subjective.

L’injuria va se transformer pour les actes commis sans droit : acte commis avec une faute de la personne (faute intentionnelle (délit) ou non intentionnelle (négligence ou imprudence). On introduit au 1er siècle après J.C. une appréciation individuelle, on parlera de la faute aquilienne. Les juristes romains classent les fautes selon 3 degrés : le 1er : la faute lourde et grave (mauvaise foi en droit civil), le 2nd : faute légère (responsabilité contractuelle), le 3: faute très légère (sanction si on n'a pas pris de précautions exceptionnelles pour éviter le dommage : responsabilité la plus lourde, il y a exonération s’il y a eu force majeure).

Le datum correspond à des délits dont la sanction correspond à des dommages et intérêts accordés à la victime de façon à être indemnisée le plus largement possible dans un but économique.

2.     La prise en compte du gain manqué qui s’ajoute à la perte subie. Le droit romain dégage ainsi la notion de dommages et intérêts, le damnum injuria datum ne deviendra jamais un délit public.

Cela correspond à la réparation de perte subie. C’est l’exemple de la perte subie avec l’esclave dans les chapitres 1/3 : il y a perte de la force de travail. A Rome, l’esclave peut profiter au maître d’une autre façon quand on hérite des biens éventuels de l’esclave. C’est l’idée du gain manqué. Un esclave vient d’hériter et il est tué (chapitre 1er) avant que le maître ait eu le temps d’accepter l’héritage à sa place. Le maître se voit ainsi privé de cet héritage, il y a un gain manqué. En ce qui concerne l’action damni, il faut obtenir une réparation du gain manqué en plus de l’obtention de la réparation du dommage subi.

A la fin de l’époque classique, la notion de dommages et intérêts est étendue à toutes les idées de réparations. Il y a une double composante : perte subie toujours accordée par les tribunaux et le gain manqué accordé ou non (appréciation des tribunaux). A la fin du droit romain, il y a une certaine complexité du damnum injuria datum : restera classé dans le droit privé avec l’action damni seule possibilité, une réparation (dommages et intérêts). Pour les canonistes, il y a une reprise sans transformation majeure. Puis dans le code civil, cela est repris en 1804.