L'ADMINISTRATION ET LE CONTENU DU PLAN

 

Section 1 : Les règles relatives à la décision du tribunal

           I La nature juridique de la décision arrêtant le plan

La doctrine a hésite entre 2 tendances :
_ le plan est un contrat. l’administrateur présente le plan et le tribunal l’homologue. Ainsi, si le tribunal autorise, le plan n’est pas obligé d’être exécuté. Il n’y a pas d’aspect impératif.
_ (idée de M. Soinne L ) c’est une décision judiciaire. Car c’est un pouvoir contentieux avec contradiction, il décide ou non d’arrêter le plan !

Il existe toujours des hésitations : quels sont les partenaires du plan ? Pour Vasseur, c’est entre le tribunal et les créanciers ; pour M. Soinne, c’est un plan entre les créanciers, les salariés et le débiteur. Si c’est une décision de justice, il n’y a pas de vice de consentement.
Problème : la place respective du jugement d’arrêté de plan par rapport au contrat ? Car il existe cession de propriété, actes juridiques. Vision de M. Soinne : les actes interviennent après, ce sont des actes d’exécution d’une décision de justice, obligatoires donc, et devant la suivre.

            II Les modalités de l’intervention judiciaire

A Les modalités procédurales : le jugement d’arrêté de plan (L61)

Art. L61 : après avoir entendu le débiteur et les autres organes, le tribunal statue sur le plan au vu du rapport de l’administrateur et arrête un plan de redressement. La plan organise soit la continuation de l’entreprise, soit la cession, ou la continuation assortie d’une cession partielle.

Art. L62 : le plan désigne les personnes tenues de exécuter et mentionne l’ensemble des engagements souscrits, ses engagements portant sur le règlement du passif. Les personnes qui exécuteront le plan même en qualité d’associé ne peuvent se voir imposer des charges autres que les engagements souscrits pendant sa préparation.

Il y a une précaution du personnel : le tribunal doit examiner si le dispositif d’ordre social a été respecté et fixe le nombre de créanciers par catégorie socioprofessionnelle.
Il y a un respect du contradictoire. Chacun doit savoir s’exprimer : le débiteur, le comité d’entreprise, le contrôleur, le créancier, les candidats au rachat.
Les règles du NCPC s’appliquent-elles ? La règle dans un litige ordinaire est que le juge est lié par les prétentions des parties. Ici, le juge a une totale liberté venant de son imperium économique.

B Les pouvoirs de la juridiction

  1. le fait que le tribunal n’est pas lié par le rapport de l’administrateur  (renvoi ci-dessus)
  1. L94 : interdiction bancaire d’émettre des cheques

Art. 69-1 : lorsque le débiteur fait l’objet d’interdiction de cheque, le tribunal peut renoncer la suspension des effets pour une durée qui ne peut excéder la durée du plan. La décision du tribunal est résolu de plein droit en cas de résolution du plan. La banque de France est tenue de lever l’interdiction. La décision de suspension doit mentionner les incidents.
Sous le régime de la L85, le tribunal avait beau prévoir rétablissement du débiteur, ce la n’avait aucune chance car l’interdiction bancaire ne pouvait être levé avant 20 ans.

C Contenu et durée du plan
Il expose et justifie le niveau et les perspectives d’emploi.
La durée du plan est égale à la durée nécessaire pour que l’entreprise puisse être considérée comme à nouveau sur pied. (dans la limite de 10 ans).
Le remboursement du passif : il doit exister un paiement chaque année (sauf la première), mais ce n’est pas forcement linéaire.

D Les personnes tenues exécuter le plan et leurs obligations
Ce sont celles ayant souscrit des engagements inclus dans le plan. Ils l’ont signé ou y ont participé par des lettres.

                  III Les effets de la décision relative au plan

A Le principe de l’opposabilité du plan à l’égard de tous
Art. L64 : erga omnes. Toutefois, les cautions solidaires ne peuvent s’en prévaloir. Or, le dirigeant de l’entreprise est souvent caution de l’entreprise !

B les organes chargés de l’exécution et du contrôle du plan

  1. Le commissaire à exécution du plan

Art. L67 : le tribunal nomme un commissaire chargé de exécution de celui-ci, l’administrateur ou le représentant des créanciers peut être nommé à cette fonction. (en pratique, l’administrateur pour les plans de cession, le représentant des créanciers pour les plans de continuation).
La mission du commissaire à exécution du plan vient-elle de la loi ou du juge ? la loi est un minimum mais il arrive que son pouvoir augmente dans des missions spécifiques de contrôle.

  1. La répartition des compétences entre le représentant des créanciers, l’administrateur et le commissaire à exécution du plan

Pour le plan de continuation:
_ le débiteur est rétablit dans la totalité de ses pouvoirs à compter du jugement
_ le représentant des créanciers poursuit ses opérations de vérification du passif
_ l’administrateur a cessé ses fonctions
_ surveillance du juge commissaire.

Pour le plan de cession:
_ l’administrateur doit rédiger les actes de cession et gérer l’entreprise jusqu'à sa transmission
_ le représentant des créanciers poursuit sa mission de vérification des créances jusqu'à achèvement des contestations
_ le commissaire à exécution du plan est chargé en cas de cession totale de vérifier si le cessionnaire exécute les obligations souscrites au niveau social et économique. Lorsqu’il y a liquidation résiduelle, il applique les règles de la liquidation.

                IV Les modifications du plan

Art. L68 : une modification substantielle ne peut être demandée que par les tribunaux à la demande du chef d’entreprise ou du commissaire à exécution du plan. Le tribunal statue après avoir entendu les parties et le comité d’entreprise. Toutefois, en cas de cession d’entreprise, le montant du prix tel qu’il a été fixé dans le jugement arrêtant le plan ne peut pas être modifié. Lorsque la modification porte sur une modalité d’apurement du passif, le greffier informe les créanciers intéressés. Ils disposent de 15 jours pour faire valoir leur observation par lettre.

Le tribunal ne dispose pour modifier le plan d’un pouvoir permanent, d’un pouvoir de réfaction. S’il survient des éléments nouveaux il peut le modifier. Quels sont-ils ? Ils sont indéterminés en jurisprudence comme en doctrine. Mais, ils dépendent de 2 critères :
_ la nature de la demande de modification (plus facile d’admettre la réalisation d’un immeuble qu’un licenciement)
_ la cause pour laquelle on sollicite la modification. Est-ce que ce peut-être la conjoncture ? Non, pour M. Soinne, car cela appartient aux prévisions des parties.

                V La résolution du plan

La règle générale vient de l’art. L80. Il y a le problème initial de la nature du plan de redressement ! Est-il possible de poser la résolution d’une décision de justice ? Oui, puisque la loi le dit (c’est une décision de justice certes, mais comportant une base contractuelle.)
 
 

Section 2 : Le plan de continuation

         I L’option entre plan de continuation et plan de cession

Art. L69 al 1 : Le tribunal décide sur le rapport de l’administrateur la continuation de l’entreprise lorsqu’il existe une possibilité sérieuse du règlement du passif et du redressement. Le plan de continuation proposé par le débiteur prévaut-il sur le plan de cession à un tiers ? Pour M. Soinne, oui J . Car l’entreprise du débiteur a un " droit au redressement ". Mais la jurisprudence s’y oppose, le tribunal statuant de façon prioritaire suivant l’ordre de l’art.1er (emploi, l’entreprise, les dettes) ! L’on peut parler d’expropriation privée dans intérêt de l’emploi.

         II le plan de continuation

A La notion de possibilité sérieuse de redressement judiciaire et d’apurement du passif

Le plan de continuation n’est pas qu’un simple moratoire des dettes comme le plan de surendettement, c’est une globalité.

  1. L’analyse économique

elle porte sur la capacité de l’entreprise à se redresser, la possibilité qu’elle se maintienne. La période raisonnable est de 5 ans. Si elle n’est pas capable d’équilibrer ses comptes, ce ne peut être un plan de continuation. De même, si l’entreprise n’est pas capable d’honorer ses engagements. La capacité d’autofinancement est-elle suffisante ?

  1. Le paramètre juridique

On ne peut pas aller trop loin dans l’allégement du passif. Il n’y a pas de limite dans la loi. Mais il existe quand même une éthique des affaires, et il faut admettre que l’on ne peut concevoir que le paiement peut s’échelonner sur 10 ans mais ce n’est pas concevable au delà. Le problème tient à l’érosion monétaire, mais les juges n’ont pas tranchés. Mais l’attitude du débiteur joue aussi : aucun plan ne peut être arrêté si le débiteur ne s’engage pas. De plus, pour les petites entreprises, les artisans, les agriculteurs, il existe manifestement des gens incapables d’assurer la conduite d’un entreprise, aussi petite soit-elle.

B Les conditions et modalités de la poursuite d’activité

  1. L’inaliénabilité

Art. L70 : le jugement arrêtant le plan peut décider que les bien s que le tribunal estime indispensable à la continuité de l’entreprise ne pourront être aliénés sans son autorisation.
Al 2 : sur les modalités de publication (à la conservation des hypothèques).
Al 3 : sanction (annulé à la demande de tout intéressé dans le délai de 3 ans à compter de la conclusion de l’acte).

Problème : l’inaliénabilité entraîne t-elle l’insaisissabilité ? Mais admettre l’un sans l’autre, ce serait le priver de toute porté.
Cette mesure protège t-elle les dettes de l’art.40 ? On conçoit généralement qu’il a une porté générale.

  1. Dispositions particulières en cas de vente d’un bien grevé de sûreté

Art. L78 et L79. Après le jugement d’arrêté de plan de continuation il existe un bien que l’on vend alors que les créanciers ne sont pas remboursés. Le texte concerne toutes les réalisations grevées de sûreté : sûreté spéciale mobilière ou hypothèque, sauf évidemment celles avec dépossession. Ce créancier reçoit donc la somme correspondante à la vente, mais réduite en fonction de l’intérêt actuel en fonction de l’échelonnement., pour rétablir l’égalité avec les autres créanciers dont le paiement est échelonné dans le temps. Le système est peu fréquent en pratique et trop complexe. Par contre, la pratique use de la substitution de garantie : le débiteur voulant avoir à sa disposition la totalité du prix de vente propose généralement une garantie bancaire pour obtenir le prix.

C La résolution

Art. L80 : " si le débiteur exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan, le tribunal peut d’office ou à la demande d’un créancier, le commissaire à exécution du plan entendu, prononcer la résolution du plan et l’ouverture de la liquidation. "

sous le régime de L85, la loi prévoyait qu’en cas d’inexécution des engagements financiers, il y avait résolution. Et la jurisprudence en avait déduit qu’il n’y avait pas de résolution possible pour les inexécutions d’obligations non financières. La L94 a été plus globale.
Cette demande est fréquente (60 % des plans). Le commissaire à exécution du plan s’aperçoit que le débiteur ne fait pas face à ses engagements et saisit le tribunal ; le débiteur est convoqué devant la juridiction, et sollicite des termes et délais. Lorsque intervient la résolution, il est mis en liquidation.

Quelles sont les conséquences de la résolution ?

  • Les remises de dette sont remises en cause. Les engagements financiers sont finis ; les créanciers recouvrent leurs droits. Mais une nouvelle procédure s’ouvre, avec une nouvelle vérification des créances, mais la solution est obligatoirement la liquidation judiciaire.
  • Lorsque le débiteur, bénéficiant du plan de continuation a payé toutes ses anciennes dettes, mais qu’il en reçoit des nouvelles, y a t-il résolution ? C’est la vision de beaucoup de jurisprudence. Mais la CA Paris distingue lorsque le débiteur pose à nouveau le bilan mais qu’il a payé toutes ses échéances, le plan est fini, et l’on peut à nouveau prononcer un redressement judiciaire ! Il faut que le tribunal examine si la créance est à jour. Cette distinction est artificielle pour M. Soinne (notion d’éthique).
  • Section 3 : La cession d’entreprise

          I Dispositions générales

comment distinguer entre le plan de cession et le plan de continuation ? Il existe des plans de continuations classiques mais aussi des faux plans de continuation (rachat par voie interne), ou des plans de cession avec liquidation résiduelle.
Il y a lieu de distinguer la cession dans le cadre du redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire. Si c’est un plan de redressement, on assure normalement un paiement significatif des dettes ; en situation de liquidation, art. L155 : c’est la cession proprement dite. Mais la pratique trouve plus simple de considérer comme plan de cession la transmission de l’entreprise qu’il y ait paiement ou non du passif. Cela n’a pas d’importance pour le passif, mais pour la recherche d’offre raisonnable.

Autre problème : la notion de plan de cession partiel. Pour M. Soinne, il s’accompagne toujours d’un plan de continuation. D’après lui, l’un sans l’autre ne peut exister. D’autres considèrent qu’il peut exister un plan de cession partielle sans plan de continuation. L’on peut alors diviser la situation en 3 plans partiels correspondants à un plan général. Il n’y a pas de jurisprudence décisive. L’enjeu est la règle de la dissolution de la personne morale pour tout plan de cession total. Les inconvénients de la 2e thèse :
_ la possibilité de cessions partielles mais sans continuation mais sans disparition de la personne morale
_ la déchéance du terme qui n’intervient pas quand c’est un plan de cession partiel.

                II La décision de la juridiction

A La location-gérance, prélude à la cession

La location-gérance est ici intégrée dans le plan (Art. 94 et 95) par le jugement qui arrête le plan de cession. Elle est au profit de la personne qui a présenté l’offre d’acquisition permettant d’assurer l’emploi et le paiement des créanciers. Le locataire gérant doit donc acheter dans le délai de 2 ans.
C’est par conséquent une fausse gérance puisque l’achat est obligatoire. La sanction (L98) en cas de non exécution de l’acquisition dans les conditions fixées par le plan est l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ouverte à son encontre. Lorsque le locataire justifie qu’il ne peut acquérir pour une cause qui ne lui est pas imputable, il peut modifier les conditions de gérance, mais aucune modification n’est possible quand au prix !
Ce n’est pas tellement appliqué, car le dispositif n’a aucun intérêt. Sur le plan fiscal, les droits de mutation sont lourds, et cela permettait de décaler le prix, mais, maintenant, pour l’administration fiscale, ils doivent être payés dès le départ.

B Les bases de l’intervention judiciaire

C’est l’hypothèse d’une dualité des plans de cession. La résolution du plan d’après la jurisprudence n’entraîne pas automatiquement la résolution des actes passés pour en assurer exécution.

  1. Une offre sérieuse

Art. L81 al 1 et 2 : la cession a pour but d’assurer le maintien de l’activité susceptible d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés, et d’apurer le passif.
L83 : toute offre doit être communiquée à l’administrateur dans le délai qu’il a fixé sauf accord avec le débiteur, le représentant des créanciers, le contrôleur. Un délai de 15 jours minimum doit s’écouler entre la réception d’une offre par l’administrateur et l’audience.

Toute offre doit comporter :
_ des prévisions d’activités
_ le prix et les modalités de paiement
_ le niveau et les perspectives d’emploi
_ les prévisions de cession d’actif au cours des 2 années qui suivent.

Arrêt de Comm. 12 oct. 93 : c’est une opération de type aléatoire. Applique t-on le droit civil ? Il est possible de considère que le prix correspond à des opérations non opérées ; il ne peut y avoir de lésion ; le prix doit être objectivement sérieux mais aussi au sens où il doit être réglé.

  1. Une interprétation délicate : la notion d’ensemble d’éléments d’exploitation formant une ou plusieurs formes complètes d’activité
    1. La notion de branche autonome d’activité

La cession porte sur un ensemble d’éléments d’exploitation formant une ou plusieurs formes complètes d’activité. L’intérêt est que s’il existe un ensemble, le plan de cession est possible, avec un régime spécifique. Sinon, c’est une liquidation, une vente suivant le droit commun. Mais la notion est occultée par les juges du fond, et la cour de cassation considère qu’il ne lui appartient pas d’apprécier cette notion.
_ Il est évident que s’il n’existe plus de poursuite d’activité, il ne peut y avoir de plan de cession. Il ne concerne que les unité vivantes.
_ il doit exister une production de bien et services destinés à satisfaire des besoins.

Pour la cour de cassation, ce peut être un fonds de commerce, un débit de boisson. Dès qu’il y a une unité économique, le plan de cession pourrait s’appliquer. Dans ce cas, les promoteurs immobiliers sont-ils une entreprise ? Pour certain, il y a une activité réelle démontrant une entreprise, pour d’autres (M. Soinne), ce n’est qu’un stock d’immeubles qu’il faut liquider. Il existe de la jurisprudence dans les 2 sens !

                     b Tous les biens dans le commerce peuvent composer un ensemble d’exploitation

En principe tout bien de l’entreprise peut être céder. Mais, le bas de bilan (c’est à dire les disponibilités, créances, stocks) ? Le repreneur peut exiger pour assurer la survie de l’entreprise l’ensemble des disponibilités. Mais il faut faire attention à ce qui est patrimonial et ce qui ne l’est pas.

Pour les activités impliquant une autorisation administrative ? (Ex. : les radios et TV, autorisées par le CSA.) Soit l’on considère :
_ que le tribunal arrête le plan, l’autorité judiciaire est supérieure à l’autorité administrative
_ qu’il existe une compétence respective et souveraine des autorités administratives et judiciaires. Ce fut la solution de L94 ! Mais si chacun reste de son coté, l’entreprise est condamnée. Mais en pratique, le tribunal demande l’avis du CSA. Mais le CSA statue en fonction du respect du public ( !?) et le tribunal en fonction du respect du personnel.

Autre problème : quand il existe dans l’entreprise un paquet d’action d’une autre société pour lequel existe un droit de préemption. La cour de cassation a précisé que le tribunal ne pouvait pas ignorer l’existence du droit de préemption : plan sous réserve de préemption ! Dans le bail commercial, il y a aussi parfois préemption du propriétaire lorsque le locataire cède son activité avec droit au bail. Les juges considèrent ici que ce droit du propriétaire dans le cadre du bail n’est pas à tenir compte. Est-ce contradictoire ? Non, car ce n’est pas la même préemption que celle dans le droit des sociétés : pour le bail, le tribunal statue sur l’entreprise, tandis que pour les actions, ce ne sont que des éléments d’actif.

Autre problème : les biens inaliénables. Soit c’est une interdiction légale, et elle s’impose au juge ; soit, elle est conventionnelle et il existe un dispositif permettant au TGI de réaliser le bien nonobstant la clause. Le droit des procédures collectives ne peut intervenir avant.

C Modalités et conditions de l’intervention judiciaire

  1. La transmission des droits

Art. 86 sur la transmission judiciaire des contrats.

Al 1 : " Le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location, ou de fourniture de biens et services nécessaires à l’activité au vu de l’information. "
Al 2 : Le jugement qui arrête le plan emporte cession des contrats.
Al 3 : Ces contrats peuvent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de la procédure, nonobstant toute clause contraire, sous réserve des délais de paiement que le tribunal peut imposer pour la poursuite de l’activité.
Al 4 (venant de L94) : En cas de cession d’un contrat de crédit-bail, ces délais prennent fin si avant leur expiration le crédit preneur lève l’option d’achat. Cette option en peut être levée qu’en cas de paiement des sommes restants dues dans la limite de la valeur du bien.

L’art. D105 impose l’audition des contractants.
La transmission du contrat peut résulter de la vente du fonds de commerce : le droit commun aussi permet transmission. Mais la cession implique la transmission de certains contrats (à exécution successive). De plus, en droit commun, le dispositif est supplétif de la volonté des parties, tandis que L86 est d’ordre public.

    1. Champ d’application

L86 ne concerne que les contrats en cours, non ceux poursuivis par l’administrateur par application de L37. Les contrats transmis sont des contrats de crédit-bail, de prestation, ou de fourniture de biens et services. C’est donc une formule creuse dans le sens où tous les contrats sont visés.

Problème : les contrats qualifiés ou considérés comme intuitu personae peuvent-ils être visé par L86 ? L37 concerne ses contrats, mais la L86 n’a pas dans se termes la force de cet article. De plus, dans l’application de L37, c’est le même débiteur qui poursuit l’activité, il n’y a pas transmission d’un contrat intuitu personae à un étranger :
_ il existe un intuitu personae par nature, et même L86 ne peut s’y opposer.
_ il existe un intuitu personae par convention, artificiel, devant s’effacer devant L86.
Ex. : en matière de banque. Si c’est un contrat de confiance, c’est intuitu personae par nature. Il n’y a pas de décision sur le sujet (Pour M. Soinne, on ne peut imposer au banquier de continuer un crédit pour quelqu’un dont il ne veut pas).

                b Les pouvoirs de la juridiction
Existe t-il un pouvoir de réfaction ? La juridiction peut-elle modifier le contrat ? Non. Mais, (L86 al 3) le tribunal peut imposer des délais. Il peut y avoir une interprétation dangereuse : les conditions de paiement participent intimement aux conditions même du contrat ! Peut-il le faire sans intérêts ? La jurisprudence n’est pas uniforme ; la vision de M. Soinne est d’imposer le taux d’intérêt légal.

Il n’y a pas de novation du contrat. Quel est le sort des sûretés qui affectaient le contrat ? La caution demeure t-elle pour le cessionnaire ?
_ Si on la supprime, c’est une modification du contrat.
_ si on la garde, la caution garantit quelqu’un qu’elle ne connaît pas.

Pour la cour de cassation, la caution ne peut perdurer. Il existe une césure à la date d’arrêté de plan, la caution ne couvrant que ce qui est dû avant.
Problème : porté de la décision de la juridiction ? C’est une nécessité pour l’entreprise de conserver ses contrats. Le cocontractant est entendu, il peut exercer une voie de recours en appel. Pour M. Soinne, la cession est indivisible et la remise en cause de tel contrat entraîne la remise en cause de la cession ; mais il n’existe pas de jurisprudence .

  1. Le choix de la juridiction

Le tribunal retient l’offre qui permet d’assurer le plus durablement possible l’emploi et le paiement des créanciers. (art. 85)
C’est un choix et non une adjudication. La juridiction se forme une conviction au vu de la personnalité de l’auteur de l’offre, etc... c’est une prime au plus fort ! En pratique, en chambre du conseil, le tribunal écoute les organes de la procédure et le débiteur seuls. l’administrateur fait un inventaire des offres reçues. Puis le tribunal auditionne séparément chacun des auteurs de l’offre, puis se prononce en faveur de l’un ou de l’autre. Il n’y a pas de voie de recours ! L’offrant est tiers à la procédure.

D Exécution de la décision arrêtant le plan

  1. La régularisation de la cession et ses difficultés

Dans l’attente de l’accomplissement de ses actes, l’administrateur peut sous sa responsabilité conférer au cessionnaire l’entreprise cédé (L87). L88 : la mission du commissaire à l’interprétation du plan dure jusqu'à paiement intégral.

Problème : le plan de cession n’entraîne pas lui-même transfert de propriété. Il diffère des actes qui en sont le corollaire. Le tribunal pourrait décider que le plan entraîne cession de propriété, mais cela entraînerait des difficultés car en terme de transmission de propriété, il existe des prescriptions particulières. Cette période intermédiaire est la période de tous les dangers : le cessionnaire n’est pas encore là ; le débiteur n’est plus concerné ; l’administrateur n’est pas un gestionnaire de chaque jour. En pratique, on demande à une juridiction de prévoir une mise en possession immédiate.
Autre problème : parfois le repreneur ne veut plus de l’entreprise. Le tribunal impose alors la direction de l’entreprise, mais le refus n’entraîne que des dommages-intérêts.
Dernier problème : le sort des dettes souscrites à partir du jugement d’arrêté de plan ? Pour la cour de cassation, ses dettes, jusqu’au moment où le repreneur les reprend, sont des dettes de procédure bénéficiant de L40.

Autre problème : il faut reprendre le dispositif sur la nature juridique du plan ; de type aléatoire, et soumis à des dispositions dérogatoires :
_ pas de surenchère, pas de purge des hypothèques.
_ pas de lésion.
_ pas de droit de préemption de l’administration (collectivités locales et SAFER).

  1. Les effets de la cession judiciaire
    1. à l’égard du cessionnaire

Tant que le prix de cession n’est pas intégralement payé, le cessionnaire ne peut à l’exception des stocks aliéner ou donner en gérance les biens corporels ou incorporels acquis. L’aliénation totale ou partielle suppose l’autorisation du tribunal.
La sanction est l’annulation à la demande de tout intéressé dans les 3 ans. L’offre représente la base. La répartition normale des obligations du cessionnaire se fait dans les conditions identiques au droit commun, sauf qu’en droit commun le cédant et le cessionnaire sont solidairement responsable du paiement des salaires ; s’agissant des salariés, cédant et cessionnaire sont tenus dans leurs parts respectives. Ici, le cessionnaire n’est pas tenu des dettes sociales du cédant, car il existe l’AGS. Il faut s’attacher à la date de naissance de la créance : antérieure, elle appartient au cédant, après, au cessionnaire. Ex. : les congés-payés en cours d’année doivent être répartis entre le cédant et le cessionnaire

                b les effets à l’égard des créanciers du cédant

o      Les règles générales de répartition

D 103 : le prix de la cession est réparti en fonction des privilèges et sûretés et le commissaire à exécution du plan dresse l’état de colocation pour les immeubles.
Art. 92 al 3 : les créanciers recouvrent après jugement de clôture leurs droits de poursuite individuels dans la limite fixée à l’art. L169.

o      La situation particulière en cas de bien grevé d’hypothèque (L93)

Lorsque la cession porte sur des biens grevés d’un privilège spécial, d’un nantissement ou d’une hypothèque, une quote-part du prix est affecté à chacun des biens.

Mais L’al 2 de L93 pose problème :

  • Quel est la volonté du législateur ? Les sûretés affectant certains biens pourront être payés directement par le cessionnaire. Ce sont des sûretés spéciales : la créance hypothécaire, le gage sans dépossession (sur le matériel d’équipement), le nantissement.
  • Est-ce une disposition légale ou judiciaire ? Si elle est légale, elle joue même si le tribunal ne l’a pas prévue, et inversement. La cour de cassation a pris position dans le sens que l’acquéreur est tenu de la dette même si le tribunal ne l’a pas énoncée et même si le cessionnaire ne l’a pas connue (opposition de M. Soinne). Mais, le décret du 20 oct. 94 précise que le tribunal doit constater la transmission des sûretés ; qu’advient-il si le tribunal n’a rien constaté et qu’il apparaît par la suite que l’immeuble est hypothéqué ? Il n’y a pas de décision.
  • Quel est la nature de cette transmission ? Est-ce une opération identique à celle de L86 ? Non/ Il n’y a pas transmission du contrat, puisqu’il est déjà passé. C’est une forme, une modalité du paiement du prix. Le contrat est en quelque sorte nové par l’obligation pour le cessionnaire de payer la sûreté. S’il n’y a pas transmission du contrat, il est clair que les sûretés demeurent.
L’art. L93 est une modalité dérogatoire de paiement du prix. Le texte aujourd’hui existant permet des accords entre les cessionnaires et les créanciers. Dans la pratique, les conditions sont fort discutées. Ex. : le repreneur peut-il s’arranger avec le créancier nanti pour qu’il soit payé nonobstant les privilèges et sûretés notamment fiscaux ? Cela déstabilise le jeu des sûretés et pose problème !