LES CONDITIONS D'OUVERTURE DE LA PROCEDURE

 

Section 1 : l’état de cessation des paiements

Toute personne en état de cessation des paiements doit être mise en redressement ou liquidation. On a proposé un autre critère : l’insuffisance de capitaux pour continuer l’exploitation. Mais cette substitution déplaît à M. Soinne car l’état de cessation des paiements est une notion connue, très délicate d’interprétation, et il serait dangereux de la remplacer par une autre plus imprécise. De plus cela plongerait beaucoup trop d’entreprises en procédure collective.

             I La notion de cessation de paiement

  1. Définition

Ce n’est pas l’insolvabilité (quelqu’un qui a plus de dettes que son actif) mais c’est celui qui ne peut apurer à bonne date les dettes échues. Le sénat, en 85, a inséré une définition légale :
" est en état de cessation des paiements celui qui est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. ".

Il s’agit d’une notion comptable : rechercher, dans le bilan, le passif à court terme et le comparer avec l’actif disponible. Mais la définition est aussi juridique, dans le sens où aucune juridiction n’appliquera le texte sans interpréter la réalité. Le bilan n’est donc qu’un élément d’appréciation !
Il ne faut pas distinguer le passif exigible avec le passif exigé ! L’actif disponible est l’encours de caisse. Mais l’on peut tenir compte des créances à recouvrer, mais il faut faire le départage car il existe toujours des fausses créances non épurées pour ne pas alourdir le bilan, et des créances non recouvrables. Les stocks peuvent aussi être pris en compte, s’ils sont immédiatement vendable et que ce ne soit pas une vente biaisé (déjà vendue). Enfin, les immeubles, quand ils sont à vendre, peuvent appartenir à l’actif disponible quand la vente est sûre à court terme.

     B L’appréciation de l’état de cessation des paiements

La juridiction apprécie l’état de cessation des paiements à la date où elle se prononce, même en appel. La preuve de l’état de cessation des paiements appartient à celui qui sollicite cet état. L’aveu est possible, mais le dépôt de bilan n’est qu’une présomption simple.
La cour de cassation se réserve le contrôle des critères eux-mêmes, tout en laissant l’appréciation des éléments constitutifs aux juges du fond.
Depuis la loi du 13 jui 67 peu importe la nature ou le caractère des dettes (commerciales, civiles, agricoles, sans rapport avec l’activité exercée) si elle est exigible et certaine (une contestation sérieuse devra conduire au refus d’ouverture de la procédure). L’importance de la dette importe peu, puisque son existence même révèle un passif exigible infiniment plus important.
Généralement, les juridictions hésitent à prononcer une procédure collective s’il n’y a pas de signes extérieurs de cessation de paiement. Ex. : ne pas payer l’Etat, l’URSAFF ; faire des chèques sans provisions, subir des saisies.
Il est possible de prononcer une procédure collective après mort, dans l’intérêt de l’entreprise. La règle est que l’état de cessation des paiements doit exister avant le décès, sinon, c’est la responsabilité des héritiers.

              II La fixation de la date de cessation des paiements

Cette date est fixée par le jugement d’ouverture. Tous les actes faits par le débiteur entre cette date et le jugement d’ouverture peuvent être annulés. C’est la période suspecte ! Le tribunal peut remonter jusqu'à 18 mois, et l’appréciation lors de l’ouverture n’est que provisoire, susceptible de libre modification après connaissance plus complète du dossier.
Le report de la date peut se faire d’office, ou à la demande des représentants des créanciers, de l’administrateur, liquidateur ou du procureur de la république. Le débiteur ne peut exciper de sa propre turpitude. La demande doit être présentée au tribunal avant le délai de 15 jours qui suit :
-la production du rapport de l’administrateur
-le projet de bilan
-le dépôt des créances si la liquidation judiciaire est déposée.

La procédure doit être contradictoire. Par voie de requête, le débiteur est défendeur ; par voie d’assignation, il doit s’expliquer en chambre du conseil.
Existe t-il 2 notions de l’état de cessation des paiements, une pour l’ouverture, une autre quand il s’agit de modifier la date ? Non. En pratique, l’ouverture est un événement grave, tandis que la modification se fait dans l’intérêt du débiteur et la position du tribunal est différente.
Les voies de recours sont classiques :appel des parties à l’instance. Les créanciers, peuvent faire une tierce opposition au jugement dans les 10 jours de sa publication au BODAC.
 

Section 2 :La qualité exigée

               I Les personnes physiques ou morales

A- Les personnes physiques

L’art. L2 précise que la procédure est applicable pour tout commerçant, artisan, agriculteur. Mais la loi de 85 exclu l’application de la loi sur le surendettement, du moins pendant la durée de la profession.

                           1) la qualité de commerçant

L’on applique l’art.632 du C de Commerce : la répétition de l’acte entraîne la qualité de commerçant. Même si cela doit être fait en son nom propre, le prête nom par contre-lettre peut être mis en redressement judiciaire comme l’autre, si on en a la preuve.

2) la qualité d’artisan

C’est celui qui œuvre pour autrui par l’accomplissement d’un travail manuel. La part de travail est plus importante que la part d’achat et de vente. Il n’est pas obligatoirement inscrit au RCS, et le registre de l’artisanat (tenu par la chambre des métiers) n’entraîne pas de présomption.

3) La qualité d’agriculteur

La L30 dec 88 distingue :
_ l’agriculteur par nature (toute activité correspondant à la maîtrise et l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant plusieurs étapes nécessaires de ce cycle)
_ l’agriculteur par prolongement (vise les activités de vente des productions).

Il a été prévu un registre de l’agriculture tenant lieu de preuve pais le décret d’application n’a jamais paru, et la seule preuve possible est par des éléments de faits, tel l’inscription à la sécurité sociale agricole.
Le conjoint de l’agriculteur tente souvent de se protéger en sollicitant l’ouverture d’une procédure pour lui également, et les juges se montrent souples, mais il faut cependant démontrer non seulement l’aide mais des actes positifs.

4) problèmes communs aux trois

L’incapacité entraîne t-elle l’impossibilité de la procédure ? Le mineur peut la soulever quand cela entraîne des sanctions ; par contre lorsque l’incapacité vient d’une incompatibilité, il s’agit d’une faute, donnant lieu à ouverture de la procédure.

B- Les personnes morales

Les banques peuvent être mises en état de liquidation. L’application simultanée des règles de L85 avec règles sur les établissements de crédit pose problème. Solution : pas de redressement possible pour l’établissement qui ne possède plus l’agrément. Les déposants sont garantis à hauteur de 400 000 frcs.
Les société civiles et morales non commerçantes (syndicats) sont elles aussi soumises à la procédure. L’on ne dissocie pas les associations de type économique et les autres. Les établissements et les collectivités publics ne peuvent être mis en faillite, à la différence des sociétés d’économie mixte.
Les personnes morales non immatriculées n’existent pas en droit, et ne peuvent donc faire faillite. De même, l’indivision ne peut être mis en faillite, mais l’indivisaire même mandaté, oui. Les sociétés en participation, lorsqu’elles sont révélées aux tiers, permettent la mise en faillite de tous ses membres.

           II Les associés des sociétés de personnes

L’art. L178 énonce que le jugement qui ouvre la procédure produit ses effets à l’égard de toutes les personnes ou membres ou associés solidairement et indifféremment du passif social. La procédure est ouverte à l’égard de chacune des personnes.

A- domaine d’application de l’extension

Il faut 2 conditions :
_ être en présence d’une P.M. en état de redressement ou liquidation judiciaire
_ solidarité indéfinie.
Cela implique les sociétés en commandite pour les commanditaires seuls, les sociétés civiles et professionnelles (mais les associés de société civile ne sont responsable que pour leur part) et les GIE. Pour les EURL, l’art. 178 ne s’applique pas et la liquidation entraîne la transmission universelle à l’associé unique, et les mandataires de justice demandent donc aussi la mises en liquidation de l’associé unique.

B- Les conséquences de l’extension de procédure

Les procédures sont indépendantes, l’on en ouvre une pour la PM, une pour chacun des associés responsables du passif. Chacun a donc son actif et son passif ; comme ils sont solidairement responsables, l’on ajoute le passif social à tous. Il peut exister une issue distincte (généralement il existe un plan pur la PM et un plan indivisible pour les associés)

            III La confusion de patrimoine

Cette théorie est très importante. Il existait des PM qui n’existaient pas en fait, sans réalité, fictive. La théorie de la fictivité permettait d’atteindre les membres de la PM qui avaient exercés le commerce et non la société. Puis, avec l’évolution, une même activité se divise de plus en plus souvent en plusieurs sociétés. Lorsqu’une d’elle est mise en redressement judiciaire, l’on constate que son patrimoine est flou et qu’il existe une confusion des bilans. La théorie de la confusion de patrimoine a donc été créé : lorsqu’une procédure s’ouvre, on doit intégrer toutes les personnes physiques ou morales qui participaient à la société.

La doctrine se divise sur cette théorie :
_ La confusion doit être distinguée de la fictivité. La fictivité entraîne l’inexistence de la société, tandis que dans la confusion, pour des raisons de bonne administration de la justice, l’on regroupe des sociétés qui conservent leur existence. Les conséquences sont que l’on peut distinguer plusieurs plans de redressement et que l’on peut fusionner 2 patrimoines de personnes physiques (Thèse majoritaire de Barbieri).
_ Il n’y a confusion qu’en cas de fictivité. La fictivité signifie seulement qu’existe qu’un seul patrimoine. La confusion de 2 personnes morales se rapproche de la mort civile, puisque l’on prive une personne de son droit au patrimoine. (Thèse de M. Soinne).
La jurisprudence n’a pas pris partie.

A- Les conditions de la confusion de patrimoine

_Il faut qu’existe fictivité, les capitaux n’ont pas été apportés.
_Ou, lors d’une procédure de redressement, quand on s’aperçoit d’une interpénétration du passif avec une autre PM. Les critères sont alors, pour une société commerciales :

    • l’identité de dirigeant
    • l’utilisation de l’actif de l’une pour le service de l’autre
    • services communs, identité de siège social

pour les personnes civiles il existe un schéma classique : la division de l’entreprise en société d’exploitation ( englobe le passif, c’est à dire les salariés) et société civile (propriétaire des immeubles). La cour de cassation a donc établi des règles très strictes pour la reconnaissance de la société civile :

    • dès lors qu’elle a tenu ses assemblées
    • que les loyers sont normaux
    • qu’existe une distinction de patrimoine

Alors n’existe pas de confusion, même si cela peut sembler injuste. Le mandataire cherchera à prouver son caractère anormal. La doctrine a voulu ajouter une condition : l’état de cessation des paiements de la PM que l’on entendait confondre, mais la jurisprudence s’y est opposée.

B- Les effets de la confusion de patrimoine

Toute personne peut demander la confusion, à tous moments de la procédure avant que le plan soit arrêté. Chaque créancier peut soutenir qu’il a fait confiance à une autre société. Mais l’action est souvent demandée par le mandataire, S’il y a confusion, au contraire de l’art.178, il n’y a qu’une procédure, avec qu’une seule date de cessation de paiement.
 
 

Section 3 : La simultanéité des conditions de cessation de paiement et de qualité exigée

            I L’agriculteur, commerçant artisan décédé

Art. L16 :Le tribunal peut être saisi dans le délai d’un an à partir de l’état de cessation des paiements. Une première interprétation voulait que le jugement soit rendu dans le délai d’un an ; mais il suffit que la saisine du tribunal intervienne dans le délai.

            II La personne physique ou morale retirée de des affaires

Art. L17 : pour les personnes morales existe 2 étapes :
_dissoute, elle bénéficie encore de la PM pour le redressement
_ Le procès-verbal d’achèvement des opérations de liquidation est publié au RCS, ce qui entraîne sa radiation. La saisine de la juridiction est possible dans le délai d’un an à compter de la publication du P-V.

Pour les personnes physiques, ou PM non commerçantes :
_ Le commerçant ne peut être saisi après 1 an après publication de sa radiation à moins qu’il n’ait continuer de facto.
_ Pour les agriculteurs et artisans,, il n’existe pas de registre avec la même force probante. La saisine est possible dans l’an après cessation de l’activité, dont la date est à prouver par l’artisan ou l’agriculteur.