INTERVENTION PUBLIQUE ET PREVENTION

 

Sous-section 1 : L’intervention publique

I Le rôle de la banque de France

Elle a crée depuis le XIXe; un service d’information et de renseignements sur un grand nombre d’entreprise françaises. Les services les analysent, créant une banque de données ; le FIBEN, accessible par la voie télématique. Seules les établissements de crédit en ont accès.

Contenu :
_  informations descriptives tel que les noms des dirigeants, l’importance de l’entreprise, la nature de l’activité le chiffre d’affaire.
_ les incidents de paiement. Les établissements de crédit ont l’obligation de révéler à la BDF les impayés mais aussi les effets impayés. La BDF édite alors un document confidentiel tous les deux mois à l’adresse des établissements de crédit. Les banques ont une information " hyper privilégiée ".
_ établissement de cotations de la BDF : la côte d’activité (chiffre d’affaire), de crédit (traduit la confiance qu’on peut lui accorder), de paiement (exprime la régularité des paiements). La porté est simplement informative. Mais, quand il y a redressement ou liquidation judiciaire, l’établissement qui a octroyé des crédits répétitifs ou trop importants peut voir sa responsabilité mise en jeu, la cotation de la BDF servant alors à la présumer.

La BDF invite parfois les chefs d’entreprise pour les informer sur leurs responsabilités.

II Le codefi, le ciri et le cori

Jusque 82 existait le Siasi, organisme informel qui gardaient informations sur les grosses entreprises en difficulté.

A - Le codéfi, comité départemental d’examen des problèmes de financement d’entreprise

Présidence du préfet, sous-présidence du trésorier payeur général. Participent aussi à ce comité le directeur départemental pour l’emploi, l’ursaff, la BDF, ect...

Mission :
_détection et prévention de la difficulté de l’entreprise.
_diagnostique par un groupe d’experts, pour déterminer si elle est viable.
_thérapeutique.

Moyens : Il n’existe pas de caisse, pas de moyens financiers. Mais il peut intervenir auprès des différents partenaires pour qu’existe des délais voir des remises de dette, pour parvenir à une solution auprès des débiteurs (notamment Etat), pour convaincre les dirigeants d’abandonner leur compte courant créditeur, l’obliger à procéder à une augmentation de capital en subordonnant l’octroi de crédits à son optempérence, lui imposer la cession de ses créances (pour un franc, pour éviter la mise en jeu de sa responsabilité).

B- Le corri, comité régional de restructuration industriel

Il est saisi par le chef d’entreprise ou par le cofédi ou d’office. Il traite des dossiers d’entreprises industrielles de moins de 400 salariés, sauf les filiales de grands groupes.

Possibilités :
_peut bénéficier de prêt participatif de 5 million de francs
_de crédits de politique industrielles dans la limite d’1 million de francs
_obtenir les missions d’audit de 100 000 à 200 000 francs.

C - Le ciri, comité interministériel de restructuration industrielle
C’est le niveau national, sous la surveillance du ministre de l’économie. Il traite des entreprises de plus de 400 salariés. Moyens : il n’existe pas de limite au prêt.

Conclusion : le manque de transparence ne permet pas de déterminer l’efficacité exacte de ses organismes. Il existe une liaison avec la justice : chaque fois qu’une entreprise est traitée par ses organismes, le président du tribunal de commerce est informé ; le procureur de la république siège dans ses bureaux, et il peut saisir le tribunal s’il découvre des malversations, ou au contraire, rassurer le président.

Sous-section 2 : L’intervention privée, les procédures d’alerte et de procédure amiable

I La prévention et les procédures d’alerte (L1° mars 84 modifiée en 94)

  1. L’expertise de minorité ou de gestion

Un ou plusieurs actionnaires peuvent demander en justice la désignation d’un expert chargé de déterminer un rapport adressé au demandeur, mais en plus au comité d’entreprise et au ministère public. Le texte doit tendre à apporter des éclaircissements mais il n’est pas forcement financier.

  1. Le président de la juridiction commerciale ou civile, organe central de prévention

Art. 34 L84 prévoit la convocation de tout chef d’entreprise devant lui, pour lui apporter tout éclaircissement sur la situation sur l’unité concernée. Le greffe renseigne le service de prévention du tribunal sur les entreprises en difficultés. Cette cellule peut convoquer non-officiellement ses dirigeants, dans un cadre confidentiel et informatif, système qui a été institutionnalisé par la loi de 84. Mais sont excluent du système les entreprises libérales et agricoles.

Quel est le critère d’intervention ? Le président peut convoquer le dirigeant " lorsqu’il résulte de tout acte, document, ou procédure qu’une entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ". L’objet de la convocation : toutes mesures envisagées par le chef d’entreprise pour remédier à cette situation. L’issue de la procédure est extrêmement variable :
_ surveillance se maintient encore
_ l’entreprise devient libre
_ l’entreprise passe en redressement judiciaire.

  1. Les procédures d’alerte

1) l’alerte obligatoire

    1. A la diligence du commissaire au compte

Cette procédure concerne toute société comportant un commissaire au compte, c’est à dire quand elle dépasse deux de ces trois critères :
_10 million de francs de bilan
_20 million de francs de chiffre d’affaire hors taxe
_plus de cinquante salariés
Les établissements privés soumis aux règles de la comptabilité publique peuvent être soumis à ses règles de prévention.

Le commissaire au compte doit prévenir de " tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ". Précisions :
_éléments financiers (situations de dettes négatives, défaillance d’un débiteur important, impossibilité de renouveler les échéances, en cas de baisse du crédit fournisseur)
_aspects liés à l’exploitation (le créneau commercial de l’entreprise baisse ou disparaît)
_aspects techniques ou juridique (charges considérables).

Le seuil d’intervention n’existe pas en théorie. L’alerte peut être donnée pour n’importe quel fait, même secondaire. Mais la prévention peut avoir des effets dramatiques : l’information des difficultés de l’entreprise peut les aggraver. Le commissaire au compte en pratique ne déclenche la procédure que quand il pense que la limite est atteinte, pour sauvegarder sa responsabilité.

Sa mission est-elle spécifique ou entre t-elle dans le cadre de ses activités normales ? Seconde solution l’a emportée, avec l’atténuation, toutefois, que sa mission est permanente. Dans ce domaine, il possède une responsabilité civile, et non pénale. L’art.234 L66 : " Mais toutefois, la responsabilité ne peut pas être engagée pour les informations ou divulgations de faits auquel il procède en exécution de sa mission ". Deux interprétations de ce texte s’opposent :
_ Pour Dupont Travis, le commissaire au compte n’a pas de responsabilité sur l’alerte.
_ M. Soinne soutient plutôt qu’il ne peut y avoir de responsabilité, lorsqu’il remplit sa mission correctement.
Il n’existe pas de jurisprudence consacrant l’une ou l’autre thèse.

Les phases de la procédure :
-demande d’explication au conseil d’administration ou au directoire. Une réponse motivée doit lui parvenir sous 15 jours.
-Quand la réponse n’est pas satisfaisante, il invite dans les 15 jours le CA ou le directoire a délibérer, avant un mois. " désormais (art.230-1 L66), le commissaire au compte informe le président du tribunal de commerce de la délibération sans délai. Cette étape n’existe pas pour les SARL.
-Il peut convoquer spécialement une assemblée générale dans laquelle il fera un rapport. Cette réunion n’est pas obligatoirement au siège social. A son issue, il informe le président du tribunal de commerce et lui communique les résultats des délibérations de l’A.G..
La troisième étape n’existe quasiment jamais, le commissaire prévenant presque toujours le président du tribunal dès la constatation des faits.

    1. L’alerte obligatoire

définition : centres de diagnostiques destinés à aider les entreprises (L1° mars 84 : " groupements de prévention agrées "). Ils prennent n’importe quelle forme juridique pourvu qu’existe une personnalité morale. L’initiative peut résulter de toute personne, morale ou publique.
Mission : fournir à ses adhérents de manière confidentielle une analyse des informations comptables et financières. Il doit être agrée par le préfet de département : ne faire aucune publicité, préciser la nature du groupement, respecter le secret professionnel.
Il vit et prospère grâce aux cotisations de ses adhérents. Il reste un groupement de droit privé, même s’il reste une petite carotte fiscale.

Effets : c’est un échec total. Les chefs d’entreprises, très individualistes, estiment qu’ils sont à même de voir le problème. Il n’y a non plus aucune confiance en ses groupements, car il existe peut -être des concurrents dans le groupe, et aussi une liaison du groupe avec le fisc.
Lorsqu’il constate des indices de difficultés, il doit en informer l’adhérent ; il peut bénéficier des avis de la BDF et conseiller le chef d’entreprise.

2) L’alerte facultative à la diligence des représentants du personnel

Lorsqu’il a connaissance de faits pouvant altérer pouvant altérer de manière préoccupant e la continuité de l’entreprise, il peut demander des explications au président ; s’il ne reçoit aucune réponse, il peut établir un rapport en se faisant assister d’un expert-comptable.
Danger : en fonction de l’attitude plus ou moins responsable des syndicats, cela peut servir de menace à l’égard du chef d’entreprise. Mais, il s’agit d’un pouvoir souverain du comité d’entreprise !

 II Concordat et règlement amiable

La jurisprudence et la doctrine du XIX° étaient très défavorables à ces modalités : " la source d’une fraude généralisée ".

  1. Le concordat amiable de droit commun

Les règles du droit commun du contrat sont transposées ici. Le débiteur excipe de son impossibilité de règles, sollicite un report. La règles de l’unanimité des créanciers peut jouer de manière contrastée : il n’y a pas de principe égalitaire, mais si la convention échoue et si le débiteur se retrouve en liquidation judiciaire, le créancier peut lui reprocher d’avoir fait un paiement inégalitaire., cause de faillite personnelle. Les effets du contrats en sont pas erga omnes, mais la remise de dette profite à la caution.
En pratique, ce système n’est possible que dans de rares cas où n’existe que quelques créanciers. Le risque est que le débiteur n’ait pas discerné la réalité du passif.

B- Le mandat ad-hoc et le règlement amiable

1) Le mandat ad-hoc

L94 : le président du tribunal de commerce peut désigner un mandataire judiciaire dont il détermine la mission. Le mandat ad-hoc, à la différence du règlement amiable, concerne une difficulté particulière, spécifique.
L’ouverture de la procédure est décrite à l’art.35 al 1; L84. Elle concerne les entreprises individuelles comme les personnes morales sur toutes les activités commerciales ou artisanales, plus les personnes morales de droit privé non commerçante, ce qui est une anomalie !
Le champ d’application : en 84, seules les entreprises importantes, tenant une comptabilité prévisionnelle pouvaient en bénéficier ; en 94, cette condition disparaît. Mais il existe des conditions tenant à la situation de l’entreprise : apparition de besoins qui ne peuvent être couverts par un financement adapté aux possibilités de l’entreprise ou de difficultés juridiques, économiques ou financières.
Modalité de saisine : compétence du tribunal de commerce, plus consultation du CE. Le chef d’entreprise, par voie de requête, expose au président sa situation et explique les difficultés à l’origine de la procédure. Ce n’est pas du contentieux. Un plan de financement prévisionnel et un compte de résultat peuvent être annexés à la demande. Parfois, l’entreprise est déjà en état de cessation de paiement ; le président du tribunal de commerce ouvre alors une convocation d’office pour que soit déclaré ouvert le redressement judiciaire. S’il nomme un mandataire, la mission ne doit pas dépasser trois mois, prolongeable un mois sur demande. Ce délai est si bref que dans la pratique, le mandat ad-hoc devient règlement amiable.

La suspension provisoire des poursuites résulte de la loi de 94, pour augmenter son efficacité. Art 36 al 3 à 8 : " s’il estime qu’une suspension provisoire des poursuites serait de nature à favoriser l’accord, le conciliateur peut saisir le président du tribunal de commerce. " Ce n’est donc pas d’office. Le danger de cette suspension et de rompre le caractère confidentiel de la procédure. Effets : suspend les poursuites, que ce soit une action en paiement, saisie-attribution ou-execution, action en résolution. Mais les pénalités continuent à courir. Les contrats, aussi déficitaires qu’ils soient, continuent aussi. De même, il n’y a pas de préférence des créanciers post jugement d’ouverture sur les autres.

2) l’accord amiable

Le conciliateur doit d’abord connaître la réalité de la situation. Si les pertes accumulées ne sont pas définitives, il faut déterminer l’ampleur des sacrifices à imposer au créancier. Il les convoquent alors en réunion globale, avec révélation de la chose. Il joue le rôle de négociateur : si un accord est rédigé, il ne sera pas partie. L’accord est homologué par le président du tribunal de commerce. Thèses :
_ peut accepter ou refuser l’accord.
_ pour M. M. Soinne, l’homologation ne fait que transformer l’acte en acte authentique, mais sinon, l’acte est quand même exécutoire.
Certes, le conciliateur a droit au documents tenus par le commissaire au compte et la BDF, et le président du tribunal de commerce à tous les documents, mais tous deux et tous les participants au règlement amiable sont tenus au secret (com 2 nov 93).

3) Les effets de l’accord amiable

Il peut constituer une remise de dette, que la caution peut invoquer. Le débiteur devra assumer tous les changements de structures économiques auxquelles il a consenti.
Les banques hésitent à participer à l’accord de peur de voir leur responsabilité engagée. Or l’accord consenti par les banques ne peut atténuer leur responsabilité.
Peut-on remonter la date de cessation de paiement en amont de l’accord amiable ? Thèses :
_ Oui, car ce n’est qu’une convention sans effets erga omnes (pour M. Soinne).
_ Non, car si le président du tribunal de commerce a ouvert le règlement amiable, c’est qu’il a estimé qu’il n’y avait pas cessation de paiement.

    1. A l’égard de ceux qui l’ont accepté

Ce n’est pas un jugement, mais une convention obéissant aux règles du droit commun. Mais la loi a repris un certain nombre de dispositions. L84 : il existe suspension des poursuites à l’égard des créanciers qui acceptent. Il y a aussi suspension des délais à peine de déchéance ou de résolution.

               b Les effets pour ceux qui n’appartiennent pas à la convention

L’art.36 al 9 prévoit que le président du tribunal de commerce peut homologuer l’accord et accorder au débiteur des délais de paiement prévus à l’art.1244-1 Civ. pour les créanciers qui n’ont pas participé.
L’art. D38 al 3 (en application de L94) :  " s’il apparaît que des délais doivent être accordés pour les créances n’appartenant pas à l’accord, le président du tribunal de commerce statue à l’égard de chacun des créanciers en référé. " Problèmes :
_ La saisine en référé ? Par le débiteur et non le conciliateur.
_ Faut-il apprécier globalement l’accord et les décisions particulières en référé ? L’enjeu est de savoir si le président du tribunal de commerce a tout pouvoir vis à vis des créanciers réfractaires. Il n’y a pas de jurisprudence .
_ interprétation de l’art.1244-1 : Compte-rendu des besoins du débiteur le juge peut dans la limite de 2 ans reporter ou échelonner le paiement sur sommes dues.
_ L’application de 1244-1 suppose t-il la bonne foi du débiteur ? Il n’y a pas de jurisprudence, mais M. Soinne pense que oui. La situation doit en effet résulter de circonstances économiques.
_ Les autres textes de 1244 ne sont pas réservés ; or, l’art.1244-1-3 précise que toute stipulation contraire à 1244-1 est non écrite ?

                     c L’inexécution de la convention

L94 dispose que désormais l’inexécution n’entraîne plus automatiquement comme sous L85 la procédure de redressement judiciaire. Pourtant, l’inexécution traduit l’état de cessation des paiements.

3) L’accord amiable agricole

Le cadre général est différent de l’accord amiable pour le surendetté, pour qui le plan est obligatoire. De même, pour le règlement amiable agricole, l’ouverture d’une procédure collective à l’initiative du créancier a pour préliminaire nécessaire un règlement amiable, ce qui n’est pas obligé quand c’est l’agriculteur qui dépose son bilan.