LA CONSTITUTIONNALISATION DES LIBERTES PUBLIQUES

LE CARACTERE RECENT

Date importante: CC, 16.07.1971, liberté d'association.  
Sous la IIIe République, il n'y a pas en tant que tel de constitutionnalisation des libertés parce que les juridictions refusent de se servir de la déclaration de 1789. Pour palier les oublis, le CE crée un principe général du droit dont l'objectif et de découvrir et imposer à l'administration des règles soit de procédure, soit de liberté: on parle de principe à valeur supra réglementaire. La déclaration a une valeur constitutionnelle voire supra constitutionnelle. Sous la IVe République, le problème se pose encore avec le préambule de la constitution de 1946. A-t-il une valeur juridique?

Pour la doctrine, il a une valeur juridique. Les auteurs s'appuient sur la constitution de 1946. L'article 81 indique que les citoyens doivent bénéficier des droits et libertés prévues par le préambule. La constitution de 1946 n'est pas claire. On trouve toujours un article 92 qui rejette le préambule. Il concerne le contrôle des libertés par les comités constitutionnels et au regard des articles de la constitution.

Pour les juridictions, cela dépend des juges.

Le juge judiciaire accepte la valeur juridique du préambule. Le tribunal civil de la Seine, le 22.01.1947 annule une disposition testamentaire prévoyant la possibilité d'un héritage que si la personne n'épouse pas un israélite. Recours devant le tribunal civil de la Seine. Le tribunal a dit que c'était contraire au principe de non discrimination appartenant au préambule. De même pour la Cour de Cassation en 1952.

Par contre, le juge administratif est retissant face à la valeur juridique du préambule
     soit il l'accepte et dans ce cas, sa théorie des P.G.D. tombe,
     soit il conserve sa théorie des P.G.D. et refuse la valeur juridique du préambule.

Initialement, il refuse : C'est le cas dans les avis du 06.02.1953 : la déclaration des droits de l'homme n'a pas de valeur juridique et sert simplement à découvrir les P.G.D. C'est le cas avec l'arrêt du 07.07.1950, Dehaène: le CE ne s'appuie pas sur l'alinéa du préambule mais sur l'idée du principe lié à son existence. On trouve l'arrêt du CE, 1951, Sté conccerts du conservatoire.

L'évolution: il y a une référence directe aux principes fondamentaux prévus par les lois de la République: CE, 11.07.1956, amicale des Amanites de Paris; puis après référence directe à la D.D.H.C. de 1789: CE, 07.06.1957 Condamines.

Sous la Ve République, le préambule de 1958 est formellement inclut dans la constitution. Le contrôle de conformité de la loi prévu par la constitution ne s'oppose pas à ce que soit utilisé le préambule. Le juge judiciaire n'a pas changé. Le CE confirme lui aussi que le préambule à une valeur juridique: CE, 1959, syndicat général des ingénieurs conseils. La position du CC initiale est de ne pas se prononcer mais plus tard, il ne semble pas contraire à la valeur du préambule:

CC, 19.06.1970, concernant le problème des traités communautaires en nécessitant ou non une réforme de la constitution. dans l'examen de la conformité, le CC a visé le préambule.

CC, 16.07.1971: valeur juridique constitutionnelle du préambule de 1958 (réf 1946 + DDHC 1789). C'est une décision qui aurait pu rester anodine. Une personne emprisonnée en raison de son journal "ami de la cause du peuple". Simone de Beauvoir décide de soutenir la personne en créant une association et comme elle veut déclarer, elle dépose à la préfecture. Le ministre de l'intérieur informe le préfet de refuser ce qu'il fait en estimant que l'association est une reconstitution de la ligue dissoute. Simone de Beauvoir attaque devant le juge administratif le refus du préfet et obtient gain de cause dans TC, Paris, 25.01.1971. Le ministre de l'intérieur ne fait pas appel devant le CE, mais propose un projet de loi adopté par le gouvernement au printemps de 1971, passe au parlement: l'Assemblée Nationale est pour mais le Sénat s'y oppose car il est réducteur des libertés publiques. L'Assemblée nationale l'adopte en dernière lecture, mais saisine du CC par le Président du Sénat, qui sera l'origine de la décision. Le CC examine le projet et le C.C. va créer pour la première fois la catégorie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en l'espèce: la LIBERTE D'association. On ne peut empêcher la création d'une association. Par là même, il donne une valeur juridique générale au préambule.

SON AMPLEUR

Elle est considérable car dans la constitution de 1958, il n'y a quasiment rien sur les libertés publiques, mais tout juste le droit de suffrage, l'article 66 sur les libertés individuelles et l'article 34 pour l'idée de garanties par la loi. 
Décision de 1971: 2 mouvements: on assiste à la constitutionnalisation de deux textes:

1.    préambule de 1946 avec la décision CC,1975,IVG. Le Conseil Constitutionnel va s'en servir fréquemment pour essayer de concilier les libertés individuelles et les droits économiques et sociaux: alinéa 1er: pour la sauvegarde de la dignité de la personne humaine,
alinéa 7: pour le droit de grève,
quant à l'alinéa 3: il n'est pas utiliser. Il était sur l'égalité entre homme et femme et s'appuyait sur la D.D.H.C. et non pas le préambule.

2.    La D.D.H.C. n’est pas constitutionnalisée par la décision de 1971, mais par une décision de 1973 sur les problèmes fiscaux. Par le suite, le conseil utilisera tous les articles de la déclaration. Deux articles ne sont pas utilisés: article 12 sur la force publique et article 15 sur les comptes que peut rendre les agents publics.

Le C.C. a réussi à redonner le caractère universel de cette déclaration. Les différentes constitutions ont parfois fortement atténué l'aspect universel au profit des français, mais également des étrangers ressortissants européens (1991, accès à la fonction publique), mais aussi étrangers non ressortissants (1993, maîtrise de l'immigration).

Découverte de principes de deux catégories:

1.    Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République: visait la liberté d'enseignement. Le Conseil Constitutionnel l'utilise: 

soit pour protéger une liberté: association, individuelle, enseignement, conscience, 
soit pour garantir une liberté: droit de défense en matière pénale, indépendance des professeurs des universités, indépendance des juges administratifs, autorité judiciaire est gardienne de propriété privée.  

Comment découvrir ces principes? Les conditions

* découle d'une loi: tel l'amendement Malraux: existe un principe fondamentaux car l'octroi repose sur un acte réglementaire. 
* législation républicaine: il y a un certain nombre de régime à éliminer: faut s'appuyer sur une législation créé par le président de la République.
* législation intervenue avant 1946: le conseil s'appuie sur la rédaction même du préambule de 1958 qui fait référence à la D.D.H.C. de 1789 confirmé en 1946 (date buttoire).
* l'existence d'une tradition républicaine pour ce principe: ne faut pas qu'une seule loi, mais plusieurs pour montrer la continuité. C'est l'exemple dans lequel le C.C. refusait de reconnaître un principe où il y a une seule loi. Lorsque le conseil rencontre des législations différentes tel l'acquisition de nationalité, le Conseil Constitutionnel a refusé car on a reconnu divers types de législation.

La difficulté est que ce n'est pas la ou les lois visées qui obtiennent une valeur constitutionnelle, mais c'est uniquement les principes évoqués par la loi: cas de la liberté d'association (loi 1901 n'avait pas valeur constitutionnelle). C'est en tant que tel le principe de la liberté de s'associer dans le cadre d'un régime répressif. Globalement, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup d'annulation: entre 1971 et aujourd'hui, il y a eu environ 10 annulations.

Il y a une évolution car maintenant, le conseil n'utilise quasiment plus cette notion sauf si déjà découvert et préfère directement s'appuyer sur un texte: exemple: la liberté individuelle dès décembre 1977 sur les principes fondamentaux. Maintenant, il s'appuie directement sur l'article 66C58.

Aujourd'hui, il y a une difficulté car le Conseil d'Etat utilise la notion en se référant directement à une décision du conseil: 88,Les cygognes sur la protection des mères porteuses. Or il utilise également cette notion en créant de nouveaux principes: Koné en 1996 sur l'extradition. Le CE peut éventuellement être amené à être en contradiction avec le conseil constitutionnel.

2.    Les principes à valeur constitutionnelle. L'étude n'est pas non plus évidente. La première idée est qu'elle utilise la notion de PGD car il y a dissociation en leurs seins des principes qui ont une valeur constitutionnelle (telle le droit de la défense en dehors de matière pénale) ou une valeur législative (telle la règle de silence qui vaut rejet, la règle "non bis in idem": pas de cumul des sanctions).

La CC abandonne la notion de principes généraux du droit pour n'évoquer que les principes à valeur constitutionnel. On trouve ainsi: le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, la décision du 16.07.1996 sur la répression du terrorisme: sanction sur l'aide, séjour des étrangers irréguliers, le CC a admis l'idée que ce n'était pas une atteinte: le principe d'égalité et le principe de la liberté d'aller et venir. Petit à petit, il y a un renvoi sur les textes, appuyé sur la constitution (tel que pour la liberté d'aller et venir). 

En conclusion, le CC a réussi malgré la critique à donner une valeur constitutionnelle à certains principes, ceci en élaborant la Charte jurisprudentielle des libertés à valeur constitutionnelle. Il y a une conséquence importante à ce moment en raison de l'autorité de la chose jugée des décisions du conseil (art. 62 de la constitution). Concernant la liberté d'entreprendre, elle n'a toujours pas de valeur constitutionnelle, mais législative, mais à droit à un certain nombre de restriction (autorisation). A côté, il y a une liberté liée au corps humain: utilisation de son corps n'est pas reconnue, de même que pour l'avortement qui n'est pas une liberté générale; ou encore la liberté de se prostituer (à distinguer de l'interdiction du proxénétisme).