LE ROLE PREVENTIF DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Le mécanisme de 1958 s’inscrit dans la logique européenne du contrôle des lois : un seul juge, une saisine limitée, une autorité absolue des décisions. Par rapport aux autres systèmes, il est limité à une action préventive. En effet, par tradition, la loi promulguée est parfaite !

Le statut du Conseil Constitutionnel : la critique est que c’est un organe politique. Mais c’est plus particulièrement un organe judiciaire car le conseil tranche des conflits en se fondant sur les règles de droit. En plus ces décisions ont une autorité de chose jugée. Mais en fait la critique provient de sa composition : les 9 membres sont nommés par le Président de la République, celui du Sénat et de l’Assemblée Nationale par tranche de 3 tous les 3 ans avec le choix du Président du Conseil Constitutionnel réservé au Président de la République. Une fois nommé, ces derniers sont indépendants et cela se traduit également par le fait que leur mandat n’est pas renouvelable. Pour certains, il est regrettable de ne pas avoir de conditions de compétence pour être nommé membre, mais la pratique montre que finalement ce sont des juristes qui sont nommés en majorité.

La place du Président du Conseil Constitutionnel : Choisi par le Président de la République, certains comme Vedel ont critiqué cette méthode en estimant que l’on pouvait le désigner autrement tel que par le conseil lui même ; ce qui a entraîné des oppositions d’autres car cela créerait un clivage politique. Une autre solution est possible : celle de la présidence tournant du tribunal constitutionnel Andorrans avec l’ordre tiré au sort.

Concernant les anciens Président de la République, déclaré membre de droit du Conseil Constitutionnel après leur mandat, certains ont critiqué en indiquant que cela confirmé la politisation de l’organe par l’imposition des idées. En fait, cela n’a pas eu de grands impacts : De Gaulle a refusé d’y siéger, Giscard a hésité (penser siéger par intermittence) mais a refusé, Mitterrand et Pompidou n’ont pas eu le temps. Les deux seuls a avoir siégé furent Auriol et Coty mais à l’époque le rôle était différent !

Les caractéristiques de la saisine.

Qui saisit ?

D’abord restreinte, une première évolution fut amorcée par A. Poher, Président du Sénat avec la décision de 1971 sur la liberté d’association. Cette décision est due à la vigilance de Poher qui indique que si le recours n’est pas vraiment possible (à l’époque : uniquement les 3 présidents), le contentieux serait différent ! Cela va aboutir à la réforme de 1974 qui va élagir la saisine au profit de 60 députés et 60 sénateurs.

Cependant, on regrette que les parlementaires ne se servent pas toujours de ce droit car certains textes montrent des lacunes tels que la Loi Gayssot sur la répression des écrits ; mais surtout le Nouveau Code Pénal, qui n’a jamais été déféré devant le Conseil Constitutionnel. Il est paradoxal dans un état de droit que personne n’est jugé nécessaire de saisir le Conseil Constitutionnel. A l’époque on voulait surtout une réforme, et il n’est pas certain que tous les articles soit conforme à la constitution (cf. responsabilité pénale des personnes morales).

Il y a eu divers projets d’extension de la saisine au profit des particuliers (1984, 1990) mais pour l’instant ce ne fut que des échecs. On a pensé également au système allemand qui permet aux particuliers de saisir en cas de violation de leur droit le tribunal ordinaire de sa question. Si ce dernier accepte, le 2e filtre est joué par le Conseil d'Etat ou le Conseil Constitutionnel qui peut dire si la violation est ou non justifiée !

Quand saisit-on ?

Il faut que la saisine intervienne avant la promulgation de la loi pour entraîner le rejet de la requête. Les députés et sénateurs avaient prévu un système pour faire attendre quelqu’un devant la porte du conseil et pouvoir déposer la requête, ceci dans le cadre de l’opposition. Sur le cas récent du service national, la loi n’a pas été promulguée de suite mais le lendemain, et les sénateurs qui voulaient montrer qu’ils n’étaient pas forcément contre le texte et en même temps qu’il voulait lutter ont saisit le Conseil Constitutionnel le lendemain. Ce dernier a rejeté la décision en disant que le délai été dépassé.

Compétence du Conseil Constitutionnel : protège-t-il toutes les libertés ?

Il a en fait uniquement des compétences d’attribution. Ainsi, il y a des textes qui ne sont pas contrôlés :

* Les lois référendaires : c’est peut être un inconvénient lorsqu’un Président décide de porter atteinte à une liberté, et ceci par référendum voté par plus de 50 % de français !
*
Les lois constitutionnelles : toutefois, il indique que certains éléments ne peuvent être révisés tel la forme républicaine du gouvernement
* Les lois déjà promulguées, mais il y a une évolution pour permettre une meilleure protection de la liberté :

C.C., 25.01.1985, Etat d’urgence en Nouvelle Calédonie : le Conseil Constitutionnel précise qu’il pouvait contrôler une loi déjà promulguée lorsqu’il contrôle une nouvelle loi qui modifie l’ancienne, qui la complète ou en affecte le domaine. (Cf. sur le cas du code pénal)
C.C.,07.1996, Terrorisme : le Conseil a accepté de contrôler la constitutionnalité d’une disposition de l’ordonnance de 1945 sur les étrangers. Rem : Une annulation postérieure peut remettre en cause tout le système.

Techniques utilisées pour protéger les libertés par le Conseil Constitutionnel

Il s’inspire à l’origine des techniques du Conseil d'Etat tout en les améliorant.

·       les réserves d’interprétations. 

Elles se sont essentiellement développées dans les années 80 surtout avec la loi de 1981 Sécurité et Liberté, la législation sur la vidéo surveillance, et le problème dégagé en, 1997 sur la rétroactivité de la loi pénale.

1ère méthode : le Conseil Constitutionnel impose une interprétation au texte.

Le texte sera constitutionnel sous condition d’être interprété comme l’a précisé le conseil. Le conseil accepte le texte mais vidé de ces dispositions attentatoires aux libertés : en fait, on revote autre chose !

CC, 05.08.1993, Contrôle d’identité : Conseil Constitutionnel a fait une interprétation contraire à la loi, ce qui est rare mais existe, sur le fait de contrôler l’identité d’une personne quelque soit son comportement. Il s’est basé sur le fondement du code pénal (article 78-2 aCP) en, indiquant que « l’article de la loi de 1993 est constitutionnel sous réserve que le contrôle d’identité s’exerce NOTAMMENT au regard du comportement de l’individu ».

Le Conseil Constitutionnel devient dont un organe législatif, c’est un véritable coauteur de la loi.

2ème méthode : le Conseil Constitutionnel fait une adjonction au texte.

Décision sur le contrôle d’identité, sur la garde a vue (ici, il va ajouter une obligation : « le magistrat chargé d’autoriser une prolongation de garde à vue doit examiner le dossier de la personne ». Cette personne disposera de la faculté de faire prévenir sa famille et également le procureur de la république qui lui doit lettre automatiquement si la garde à vue se passe dans les locaux de la police).

3ème méthode : le Conseil Constitutionnel adresse des injonctions aux autorités chargées d’appliquer la loi.

C’est le meilleure moyen de protection, et la mission du juge judiciaire consistera aux respects des garanties de procédures, des conditions formelles et substantielles, du principe de la présomption d’innocence, de la mission de réparer les dommages causés, de vérifier la pertinence du bien fondé.

·       L’erreur manifeste d’appréciation.

Correspond à celle du Conseil d'Etat. 
Le Conseil Constitutionnel s’en sert depuis 1981 et cela permet le contrôle du pouvoir discrétionnaire.

·       Le contrôle de proportionnalité.

Très peu distinct de la technique précédente. Vers la fin des années 80, c’est une technique qui sert au conseil pour concilier l’ordre public et les libertés. 
C.C, 1995, vidéo surveillance : « il n’y a pas d’inconstitutionnalité au fait que le préfet puisse interdire le transport d’objet pouvant servir d’armes » il estime que c’est proportionnel !
C.C, 1997, immigration : le Conseil Constitutionnel estime qu’il n’y a pas d’atteinte excessive à la liberté individuelle : « lorsque l’on relève l’empreinte des étrangers qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour » et « lorsque la délivrance du titre de séjour au conjoint d'un ressortissant français est subordonnée à l’exigence d’au moins un an de vie commune ».

·       Le moyen d’office.

Il soulève de lui même le moyen pour éviter les atteintes aux libertés. 
C.C, 1982, Quotas par sexe au profit des femmes aux élections
 : « il est impossible de faire de discrimination en la matière ».